Il est possible que nos lecteurs voient disparaître avec regret le qualificatif de « jeunesse » dans notre sous-titre. Qu'ils se rassurent. Nous n'avons guère perdu en cinq ans de notre enthousiasme. Mais là encore la situation de « Viking » a évolué depuis mars 1949. Nous touchons aujourd'hui un public varié, extrêmement dispersé dans l'espace et aussi dans le temps, puisqu'il n'est guère d’« anciens » de l'Action Régionaliste Normande qui ne soit désormais avec nous. Le seul fait que nous prenions la parole implique la jeunesse. Jeune est le pays qui veut vivre. Jeunes sont ceux qui refusent de désespérer.
Les générations se succèdent comme une chaîne sans fin. Chacun apporte, avec le visage qui lui est propre, une somme d'efforts et de réalisations unique. Dix ans après la fin de la guerre nous discernons la montée d'une « jeune génération » qui n'est pas aussi décourageante et découragée que les esprits chagrins voudraient nous le faire croire. C'est à ces garçons et à ces filles que nous pensons plus particulièrement aujourd'hui. Beaucoup de jeunes découvrent par eux-mêmes tout ce que l'idée Normande contient de vitalité. Cette prise de conscience est d'autant plus intéressante qu'elle n'a pas été organisée. Personne n'a fait « appel à la jeunesse ». La jeune génération est profondément solitaire – et, disons le mot, livrée à elle-même. Alors les médiocres deviennent médiocres un peu plus tôt. Mais les autres entreprennent par eux-mêmes les choix décisifs : foi, famille, métier. Ils crochent dur dans la vie et nous sentons que leur grande soif de réalisation qui s'impatiente dans ce monde plus hostile que jamais à tout ce qui veut vivre et grandir. Nous osons croire que nous ne leur présentons pas ce visage fermé contre lequel bute chacun de leurs pas. Nous ne cherchons pas non plus à les « récupérer », à les étouffer. Nous ne leur demandons qu'une chose : de rester vraiment jeunes... Ils commencent déjà à comprendre que c'est à eux de bâtir un monde à la mesure de leur rêve. Mais ce monde ne peut se construire que dans leur entourage le plus immédiat. Même s'ils n'ont pas d'« idées Normandes », la dissolution actuelle de la société française les oblige pour être réalistes et efficaces à ne plus attendre de mots d'ordre ou de solutions préfabriquées de Paris. Ils ne peuvent rien changer au fait qu'ils sont Normands. Et ils ne peuvent rien changer non plus au fait que chacun de leurs actes est un acte de vie de la jeune Normandie.
Nous constatons, sans que nous y soyons pour grand chose, que les jeunes s'intéressent de plus en plus aux réalités Normandes. Non dans ce qu'elles perpétuent de souvenirs du passé mais dans ce qu'elles présagent de réalisations d'avenir. La « consécration » de la capitale perd peu à peu de son prestige.
Quant au jugement sur « la politique », le refus de la jeune génération est encore plus catégorique que le nôtre. Les jeunes mercenaires des diverses sectes politicardes sont de plus en plus rares.
Par contre ce sont par milliers que les jeunes se pressent aux rencontres internationales qui, par delà les haines périmées, essayent de réaliser l'unité des valeurs européennes. Et de cette confrontation nous attendons beaucoup. Non seulement pour cette unité supérieure qui constitue Notre Monde mais aussi pour Notre Pays. Car les jeunes français de Normandie, à rencontrer d'autres jeunes Européens, sentiront tout ce qu'ils ont perdu en abandonnant leur originalité Normande. Ils pourront soupeser la richesse humaine de ces « folklores » (dans le sens le plus large et le plus noble du mot) qui modèlent ailleurs des types de garçons et de filles plus naturels, plus joyeux, plus efficaces et bien mieux préparés aux tâches essentielles. Ils pourront aussi se rapprocher des jeunes de la grande famille Nordique qui a tant contribué à l'élaboration d'un idéal de liberté, de travail, de courage et d'honneur.
Nous reviendrons sur ce « Nordisme » auquel nous nous rattachons par tant de points et auquel nous entendons rester fidèles sans pour autant prononcer d'exclusives partisanes. Car les exclusives ne sont justement pas « Nordiques » ...
C'est pourquoi nous croyons utile de préciser davantage ce que renferme pour nous le terme de « Viking ». Ce mot signifie dans cette revue exactement la même chose que le mot jeunesse. Viking est synonyme de jeune. Il représente aujourd'hui les mêmes vertus d'entreprise, de ténacité, de goût du risque de sens de l'honneur qu'il y a mille ans. Il veut féconder la terre Normande exactement comme le firent les invasions Scandinaves. Viking n'est donc pas un terme « historique », au sens strict. Certes nous n'irons pas nier l'imprégnation Noroise en Normandie. Nous nous en réjouissons volontiers. Mais le terme de « Viking » ne saurait avoir pour nous un contenu racial dans le sens étroit du terme. II y a aujourd'hui des « Vikings » partout en Normandie. Il y a même des « Vikings » qui ne sont pas Normands. Par contre bien des citoyens du Calvados ou de la Seine-Inférieure, malgré la couleur de leur poil ou de leur prunelle, ne sont en rien des Vikings. Il y a des Vikings dans tous nos pays et il y en a dans toutes les branches de l'activité humaine.
Les Vikings sont ceux qui disent non à la décadence et non à la mort. Ceux qui refusent mais aussi ceux qui agissent. Ceux qui rejettent le monde informe qu'on leur propose de construire autour d'eux des cellules humaines à leur image. Les Vikings sont obligatoirement des créateurs, des fondateurs, des réalisateurs. Ce sont ceux qui vont de l'avant. Et parce qu'ils vont de l'avant, ce sont eux qui, comme il y a mille ans, font le pays à leur image. Notre déclin s'explique par la raréfaction, pour des causes diverses, du sang Viking, à condition de ne pas enfermer le terme de sang dans les seules réalités biologiques. Il est bien certain que des hommes d'entreprise et d'initiative, de volonté et de courage ne sauraient s'adapter au moule uniforme d'un « idéal » tiré par millions d'exemplaires. Mais les véritables Vikings à être moins nombreux et plus isolés n'en possèdent peut-être que plus de force interne...
Cette revue vise à les rendre pleinement conscient de cette force. À leur montrer d'où elle tire son origine. Elle ne saurait pour autant leur fournir un système de pensée ni même un système d'action. Nous n'avons jamais cherché à enfermer la vitalité Normande dans Une doctrine étroite et abstraite.
À la renaissance indéniable de l'idée Normande devait correspondre une revue Normande. C'est le rôle de « Viking » aujourd'hui.
Demain seul pourra tirer les conclusions nécessaires de ce fait : Le renouveau de l'esprit Viking chez les jeunes de Normandie.
VIKING Printemps 1954
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