Le Hâvre a été fondé par François Ier en 1517. À cette époque, en effet, le roi de France ne possédait plus, sur les côtes de la basse-Nomandie, un port où sa flotte put trouver un abri. Harfleur, qui de tout temps avait été le port de guerre des Ducs de Normandie, était en effet envahi par les alluvions de la Seine et l'ancien mouillage de Chef-de-Caux, au voisinage du Cap de la Hève, était, depuis le XIVème siècle, entièrement détruit.
Sur l'ordre de François Ier, le grand amiral de France, de Bonnivet, entreprit un voyage d'études et de recherches sur toutes les côtes normandes et son choix se porta, pour le port à établir, sur le petit hâvre naturel qui s'offrait près du village de Grasse, sur la rive Nord de l'Estuaire, à mi-distance entre Harfleur et la Hève. Ainsi naquit le Hâvre-de-Grâce, qui est devenu aujourd'hui, par un bizarre pléonasme, le port du Hâvre.
Très modestes à l'origine, les ouvrages du Hâvre-¬de-Grâce comprenaient simplement un chenal étroit, sorte d'avant-port défendu par deux jetées et le long duquel étaient établis les chantiers royaux de constructions navales et de réparation. Une tour massive qui, sous le nom de tour François Ier, a subsisté jusqu'à la seconde moitié du XIXème siècle, défendait la jetée Nord et se reliait à un réseau de fortifications enserrant dans d'étroites limites la modeste bourgade qui s'était élevée autour du chantier.
À l'origine donc, le Hâvre était avant tout un port de guerre et il a gardé jusqu'à la fin du XVIIIème siècle un caractère essentiellement militaire. Ce n'est qu'à l'ouverture du port militaire de Cherbourg, en 1801, qu'il cessa d'être Préfecture Maritime et put, dès lors, à la faveur du trafic sans cesse croissant avec l'Amérique et par suite du développement de la navigation à vapeur, prendre très rapidement un développement commercial considérable.
Toute l'histoire du développement du port, jusqu'en 1906, a consisté le plus souvent à reculer ou à modifier les ouvrages fortifiés pour établir de nouveaux bassins ; actuellement, les nouvelles extensions ne peuvent plus se faire que par emprises sur la mer, le long de la rive Nord de l'estuaire.
Le cadre de cette notice ne permet pas de donner l'historique de tous les travaux effectués. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, les transformations sont lentes en dépit de l'importance croissante des relations commerciales avec les Indes orientales et les colonies françaises d'Amérique. Richelieu fait creuser le premier bassin qui a gardé le nom de bassin du Roi. La première moitié du bassin du Commerce est livrée â l'exploitation en 1792, c'est le premier exemple d'un ouvrage construit grâce au concours financier du commerce local et c'est en souvenir de cette origine que le bassin reçût son appellation.
Les guerres de la Révolution et de l'Empire et surtout l'application du blocus continental entraînèrent l'arrêt des travaux en exécution, mais ceux-ci furent poursuivis aussitôt la paix conclue en 1815 et la seconde moitié du bassin du Commerce et le bassin de la Barre furent achevés en 1820. De ces travaux, que les finances encore obérées de l'État ne pouvaient soutenir, la ville et le commerce local avaient payé la plus grande part.
Mais après 1830, l'équilibre du budget national se rétablit peu à peu et pour les travaux qui suivent, une collaboration équitable répartit les charges entre l'État et le commerce. Les progrès sont d'ailleurs rapides à partir de 1850. Déjà en 1841-43, le bassin Vauban est livré à l’exploitation ; la navigation à vapeur devient active et, en 1847, est inauguré le premier service postal entre la France et l'Amérique, origine du service si important assuré aujourd'hui par la Compagnie Transatlantique. Le démantèlement des remparts, en 1852, permet à la ville de se développer ; en 1855 le bassin de l'Eure est livré au commerce ; les quais en sont fondés à deux mètres sous basse-mer, profondeur considérable pour l’époque ; aussi, a-t-il pu être conservé, même aujourd'hui, comme bassin des Transatlantiques.
En 1859, le trafic total est de deux millions de tonneaux de jauge, au lieu de un million en 1835 ; il a donc doublé en vingt ans. On achève le bassin Dock en 1859 ; on décide la transformation de la défense du Hâvre ; on rase la citadelle pour terminer au même emplacement, en 1871, un nouveau bassin à flot muni de trois petites formes de radoub : le bassin de la Citadelle.
En 1880, les entrées et sorties atteignent 4 500 000 tonnes mais tous les terrains disponibles sont occupés et de nouvelles extensions vont se faire par emprise sur la mer. Les deux darses du bassin Bellot sont achevées par cet ingénieur en 1887 ; à la même date, se terminent les travaux du canal de Tancarville qui permet aux bateaux fluviaux de descendre jusqu'au Hâvre sans effectuer de navigation maritime. Enfin, la construction d'une série d'ouvrages fut décidée par les lois du 19 mars 1895 et du 2 août 1904 ; ces ouvrages sont aujourd'hui terminés. Deux nouvelles lois, des 11 février 1909 et 23 avril 1919, arrêtèrent de nouveaux programmes, encore en cours d'exécution. La loi de 1895, en particulier, a donné au Hâvre des accès dignes d'un port moderne et c'est un point sur lequel nous croyons utile d'insister.
Durant tout son développement, en effet, le port avait du lutter contre un danger redoutable : le galet. L'entrée était bien protégée contre les sables de l'estuaire par suite de l'intensité même des courants, mais les galets venant du Nord envahissaient constamment le chenal. Ces galets, qui proviennent de la désagrégation par la mer des falaises du Pays de Caux, cheminent du Nord au Sud depuis le cap d'Antifer, par l'effet combiné des lames et des courants. Ils entourent le cap de la Hève et venaient autrefois déborder les jetées du port et former dans le chenal des amoncellements ou « pouliers ». En vain essaye-t-on, comme encore aujourd'hui, d'arrêter leur cheminement par des épis et de limiter le danger en prolongeant sans cesse la jetée. Il fallait toujours en venir au dégagement à bras d'homme, travail particulièrement pénible, servitude imposée aux habitants du Hâvre et ayant d'ailleurs comme contrepartie l'octroi de la part du Roi de nombreux privilèges.
Si l'entrée même était protégée contre les sables, le chenal conduisant à la haute mer et orienté au Sud-Ouest devait passer entre les bancs des hauts de la rade et du Placard et l'exhaussement de ces bancs, quoiqu'assez lent, se produisait régulièrement. Au fur et à mesure du développement de la construction navale, le mouillage offert aux navires devenait plus difficile à assurer.
Pour palier à ces deux inconvénients, la loi du 19 mars 1895 a décidé l'exécution d'un nouvel avant-port avec des jetées convergentes et a reporté en même temps le chenal plus au Nord en l'orientant dans le sens Est-Ouest.
Après quatre siècles de luttes, Le Hâvre voyait ainsi la récompense de ses efforts ; assuré de ses accès, il pouvait, et ce fut l'objet des derniers programmes, travailler en sécurité au développement de ses bassins.
MM. De Puymaly et Le Bourhis
Le Port du Hâvre 1921
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