Les responsables d'Euro Disney, qui observaient un silence total, après sept semaines d'exploitation du parc imposé à Marne la Vallée, ont voulu montrer leur désarroi devant l'accueil plutôt tiède que les populations d'ile de France ont réservé à cette nouvelle universalité que tant de pays peuvent nous envier.
En fait la fréquentation du Parc a été plus qu'honorable, puisqu'en cinquante jours, plus d'un million et demi de personnes ont versé leur offrande sur l'autel du dieu souris, et le ressentiment vient plus de ce que ce sont surtout des extérieurs à la région qui ont fait la majeure partie de la fréquentation. Si l'on projette linéairement le chiffre de trente mille personnes par jour que représente ce premier bilan d'exploitation, le cap des onze millions est quasiment assuré d'être atteint pour la première année. Ceci sans tenir compte des hausses de fréquentation qu'occasionneront les flux touristiques des mois de juillet et août.
Pour le coup, le deuxième parc, qui devait ouvrir ses portes en 1995, devient moins réalisable, selon M. Fitzpatrick – P.D.G. d'Euro Disney – représentant les intérêts américains dans ce business qui ne leur a rien coûté.
Au-delà de cet avis, il est peut-être temps de tirer les premiers enseignements de cette opération qui, si elle ne comble pas les aspirations hautement « humanitaires » de nos trop « chers amis américains », a coûté, il est vrai, beaucoup d'investissements, mais hypothèque plus encore notre image culturelle, puisque après avoir maintenu que la France devait être, francophonie oblige, le phare de la résistance à l'impérialisme U.S., nos dirigeants, toutes classes politiques confondues, ont adhéré avec un enthousiasme qui n'égalait que leur renoncement. L'atmosphère de liesse qui a accompagné cette défaite culturelle, mais aussi politique et sociale, montre la crédibilité que l'on peut encore accorder à leurs professions de foi. Cette trahison du parisianisme mondain, assis sur sa suffisance abstraite et mondialisante, était écrite dans la logique des choses. Mais la rapidité du passage d'un anti-américanisme de salon à ce philo-libertarisme de bon ton, qui condamne la pauvreté comme une tare que l'on soigne aujourd'hui avec condescendance et que demain on condamnera comme un vice, est l'aveu d'un changement profond de société. Le Centralisme qu'ont subi les provinces de France, a créé un désert culturel, social et économique, et ne trouvant plus d'énergies populaires pour assurer sa survie s'est trouve acculé dans cette situation où il lui fallait choisir les modalités de son élargissement : d'un côté le cercle de la francophonie, voie étroite et difficile n'a pas trouvé d'écho chez les champions des causes hasardeuses, de l'autre l'adoption d'un standard préfabriqué d'autan plus facile à adopter qu'il est faible dans son contenu. C'est donc un échec complet né du refus de se confronter à l'adversité parce que l'alternance politique offrait une situation nouvelle où il était impératif de paraître fréquentables.
Fiasco financier, puisque les patrons de Mickey ont réussi l'admirable tour de force d'un financement qui ne les engage à rien ni sur le plus petit dollar.
Fiasco intellectuel, toute l'in-intelligentsia de France a oublié d'être à la mesure de sa tradition de générosité : toujours à la traîne d'une révolution culturelle, elle a montré la petitesse de ses limites et condamné à l'exil intérieur ceux qu'elle adulait pour la portée politique de leur art.
Fiasco culturel, après avoir mené la plus formidable des aventures avec les non alignés pendant vingt ans au sein de la francophonie, nous abandonnons nos modes de pensée pour adopter les signes extérieurs du mode de vie américain…
Fiasco social enfin, puisque nous avons gelé, pour le bon plaisir des maitres de l'Uruguay Round, 2 000 hectares des meilleures terres céréalières de France, et que nous acceptons, en outre, qu'une entreprise qui nous doit tout, jouisse d'un statut d'extra-sociabilité qui la mette à l'abri des lois sociales françaises sur le droit du travail.
Nous avons permis que la « première » région de France détourne les investissements publics pour satisfaire le seul intérêt privé d'un groupe étranger hostile. Nous avons aliéné notre image de marque en la subordonnant à de sordides intérêts économiques où tout un chacun est en droit de supposer, outre le coût de ces investissements sur le budget de l'État, car toute la France supporte cette opération, que nombre de « responsables politiques » a su récupérer quelques juteuses compensations.
Nous nous associons à tous ceux qui ont dénoncé cette pantalonnade, qu'ils aient qualifié de « contrebande culturelle » cette création « artistique », affublé le premier personnage de l'État du sobriquet « François Mickeyrand » ou, de manière plus policée, parlé de « capitulation économique et culturelle »
O.D.I.N.-76
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