La création d'un parc d'attractions à la mode américaine est un événement qui est vécu comme une déroute culturelle par certains intellectuels français et francophones. Mais Mickey a été accueilli par une majorité de professionnels du tourisme comme la confirmation de la place occupée par la France comme première destination touristique mondiale avec cinquante deux millions de visiteurs en 1991.
La stratégie de la Disney C° a été de récupérer le pouvoir d'attraction de Paris et de l'Ile de France qui ont reçu en 1990 quelques vingt et un millions de touristes. Le marché existait déjà, il suffisait de venir s'y greffer pour en tirer de juteuses retombées.
Sans médiatisation la meilleure des recettes n'a aucune chance d'aboutir sur les tables. L'un des aspects les moins remarqués, et pourtant le plus évident sans nul doute, aura été la formidable campagne de promotion publicitaire dont l'opération aura bénéficié ; une chaine de télévision française a assuré en totalité la diffusion mondiale de l'inauguration d'Euro Disney.
On sait que depuis belle lurette les médias volent au secours du succès potentiel, histoire de ne pas avoir un métro de retard sur l'événement, mais on peut se demander, après une telle Bérézina, comment le Jack Lang du discours de Mexico a pu survivre ?
La vérité est que nous ne sommes pas menacés par ce que l'Amérique peut avoir de positif, Hemingway, Faulkner, Steinbeck ou Dos Passos ... Mais ce que nous récupérons de la production « culturelle » américaine est détestable pour ce qu'elle véhicule comme contre-valeurs. Le monopole des principes est nuisible à la vie et au destin des peuples. Ce qui est bon généralement en Europe, ne le sera plus tout à fait en Irlande ou en Ukraine, et ne le sera plus du tout sous des latitudes exotiques tant les cultures sont particulières : les essais d'agriculture « à l'occidentale » sur des sols autres ont déjà apporté suffisamment la preuve que la méthode utilisée fructueusement ici est désastreuse là. Il semble en être de même pour les communautés humaines. Déjà à l'intérieur de la C.E.E. ...
L'universalité des produits américains est liée à ce qu'ils sont immédiatement consommables partout, parce qu'ils ne renvoient à rien de particulier, à aucun peuple, à aucune nation, à aucune histoire, à aucune culture. Cette fédération d'individus est fade jusqu'à l'écœurement, et cette fadeur est rendue communicative par la représentation que nous nous en faisons. L'« american way of life » n'est que la transposition marchande du bonheur scientifique que l'on a tenté de bâtir pendant trois générations dans des pays qui ne veulent qu'oublier l'expérience dont ils sortent à grand peine. La manifestation de ces deux systèmes apparemment antagonistes, se rejoint dans l'expression picturale de leurs aspirations et il est surprenant que personne ne se soit intéressé à rapprocher les affiches de publicité vantant les « blue jean's », standard américain, de celles éditées en Chine populaire et pompeusement baptisées « Réalisme Socialiste ».
Après la chute des murs idéologiques « honteux » allons-nous enfin nous décider à abattre ceux que l'on ne nous a pas dit de regarder ? Raoul Vanegueim posait qu'entre l'Est et l'Ouest tout se passe comme si d'un coté la récompense du comportement idéologique s'accompagnait d'un litre de vodka tandis que de l'autre avec un litre de whisky on affirmait son adhésion au système. Avons-nous les moyens de laisser l'équation à. demi résolue ?
La puissance des uns n'est jamais nourrie que de la faiblesse des autres et l'Europe mineure des années zéro n'aura guère eu de mal à se trouver des tuteurs ; grand frère pour les uns, ami pour les autres ... Chacun sait que si l'on ne choisit pas sa famille, les amis peuvent devenir envahissants.
Le problème de l'américanisation n'est pas un problème américain, mais celui de ceux qui adoptent leur mode de vie. C'est donc une guerre intérieure que nous avons commencé de perdre.
Pour qu'un modèle s'impose, il faut que rien ne s'oppose. L'absence du sens critique a commencé par les campagnes de discrimination anti européennes. Dénonciation d'une société de vieux, de valeurs archaïques, condamnation de tout ce qui pouvait donner un repère à une pensée enracinée.
En 1982, cinquante et un pour cent des français avaient une mauvaise opinion des américains, vingt-sept pour cent en 1985, combien en reste-t-il aujourd'hui ?
La digestion d’un modèle est lente, seule la prise de conscience est brutale. La culture américaine idéalisé est vécue, pratiquée, admirée par tous dans l'enthousiasme et la ferveur.
Du Rock’n’roll au Blue jean's des années soixante-huit. la condamnation des États-Unis d'Amérique n'est qu'une mauvaise transposition du mouvement protestataire des jeunes américain:.. Aucune originalité, juste une pâle copie, et passées les guerres impérialistes, nous avons communié aux guerres saintes hyper médiatisées en moins d'une génération. Le temps d'un abandon aux sirènes du libéralisme sauvage. L'ère de l'amnésie qui nous frappe n'est que la triste conséquence de cette période d'acculturation où la prise en charge des problèmes intérieurs des États Unis d'Amérique rendait l'Europe schizophrène. De cette époque nous avons hérité du sens de la facilité, du goût de la vitesse, de la perte du sens de l'effort. Consommer est devenu plus agréable que produire, que ce soit de la culture ou des lave-linge. Cette attitude passive, végétative, se généralise à tous les domaines.
La fin de l'Histoire tant racontée dans les médias, après les « événements du Golfe », annonce plus la nouvelle ère économiste que la fin de l'Empire soviétique. Cette révélation signifie la fin de nos sociétés, l'idéal étant de nous auto-conditionner a être spectateurs de notre destin, faire « qu’il n'y ait pas de différence entre les enfants et les adultes ».
L'individualisme frileux remplace les valeurs collectives auxquelles il est interdit de croire. C'est peut-être là que réside le mythe ultime de Mickey : un pays où tout est possible, où la liberté individuelle n'a pas de limites, où tout le monde est beau, gentil. policé...
Jean François Bollens
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