On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



samedi

Régions à la coupe...

La décentralisation-régionalisation est vraiment le plus incroyable serpent de mer de la vie politique et administrative française. Depuis le célèbre « Paris et le désert français » que Jean-François Gravier publia dès 1947, la prise de conscience de cette question fondamentale a eu peu d'occasion de se concrétiser en prise de décision. Le serpent de mer grandit, nourri de toutes les fausses réformes et de tous les vrais atermoiements, du référendum avorté et détourné du général De Gaulle en avril 1969 aux velléités réformatrices de Georges Pompidou deux ans plus tard. Puis vinrent les socialistes. Certes, il y eut quelques sceptiques mais beaucoup crurent que cette fois là, les questions seraient examinées à fond tant leur programme et leurs déclarations étaient précis et clairs en la matière. Il était bien ancré dans l'esprit de tous que les socialistes étaient les meilleurs défenseurs de l'« idée régionale » face aux « horribles jacobins de droite » et étaient des hommes de terrain connaissant par coeur les incohérences et les aberrations de l'hyper-centralisation des administrations françaises.

Dès le mois qui suivit leur arrivée en masse à l'Assemblée Nationale, leurs députés « planchaient » sur ce qui allait devenir la Loi Relative aux Droits et Libertés des Communes, Départements et Régions, le 2 mars 1982. Une loi aux objectifs plus que louables : rapprocher les lieux de décision des administrés concernés, supprimer le contrôle a priori et la tutelle omniprésente du pouvoir central, créer un nouvel équilibre local. En bref, commencer à moderniser les structures administratives françaises en s'inspirant de celles qui fonctionnent correctement dans la plupart des pays occidentaux. De la part d'hommes politiques qui, dans un même temps, mettaient en place l'Assemblée Régionale Corse et promettaient des assemblées élues au suffrage universel dans toutes les régions de France, tous les espoirs étaient permis... L'optimisme et la naïveté faisaient bon ménage.

Gérard Landry
À côté du grand nombre de régions qui se satisfont de leurs limites (on va les persuader maintenant du contraire !), cela fait 20 ans que des pseudos régions, des régions-croupions ou des « sans-régions » bougent, râlent, pétitionnent, protestent sous l'œil indifférent des gouvernements successifs. Vingt ans que les Normands veulent leur réunification, que les Bretons réclament Nantes, leur deuxième capitale et que la Savoie, noyée dans « Ronalp » aspire à son autonomie. Seule la Corse a eu gain de cause, sans doute grâce à quelques bombes et à sa forte capacité de mobilisation. Que vont nous « pondre » les parisiens avec cette nouvelle réforme ? Sans doute quelques bonnes choses pour commencer, puisque monsieur Roccard a assuré que le gouvernement ne ferait plus d'opposition à de nouvelles limites réclamées par les élus (le cas le plus flagrant étant la Normandie). Mais on peut craindre aussi les surprises, les conglomérats nés de calculs électoraux. Car le but affiché est de créer de « grandes régions » qui « fassent le poids » vis à vis des autres régions européennes ; il faut donc regrouper les 22 régions pour aboutir à une dizaine (manifeste du P.S.).

La thèse est recevable ? Est-ce que les régions, pour être viables, pour avoir du poids, non seulement vis-à-vis des autres régions d'Europe mais surtout vis-à-vis de Paris (c'est là le gros problème français jamais abordé !). Regardons autour de nous : les 20 petites régions italiennes, les 17 « communautés autonomes » d'Espagne ont, malgré leur taille, des compétences étendues, bien plus que n'en auraient en France un « Grand Sud-Ouest » ou un « Grand Nord-Est » tels que le rêvent certains. La Sarre ou le Schleswig-Holstein, de dimensions réduites n'ont rien à envier à la puissante Bavière ou à la Rhénanie-Westphalie. Alors où est le problème ? Il est bien sûr dans le rôle que l'on veut faire jouer à ces régions. Ce n'est pas la préoccupation de la classe politique, qui se demande (Fabius) si en collant la « haute »-Normandie à la Picardie, cela lui ferait une majorité de « gauche » ou encore (Mauroy) si en collant le Nord à la Picardie, il n'aurait pas, lui, cette majorité.

Le rôle que nous voulons leur voir jouer n'est pas un rôle de figurant muet dans une tragédie moderne du théâtre parisien, mais un rôle actif qui renouerait avec l'Histoire. II faut pour cela deux conditions : une forte personnalité et un pouvoir étendu.

Cette réforme annoncée par les socialistes en 1982, puis délaissée, occultée dans le débat actuel, devrait régler les conflits de compétences entre départements, régions et administrations d'État, conflits coûteux humainement et financièrement. Cette réforme poserait la question du maintien du cadre départemental qui apparaît de plus en plus comme « de trop ».

Être prêt pour 93, rêve et cauchemar de la classe politique, ne se mesurera donc pas au nombre de régions mais à leur capacité de mobilisation (inversement proportionnelle à leur caractère artificiel) et à leur degré d'autonomie. Cette réforme est urgente.

Marc Wattiez
« Le courrier des Pays Bas Français » n°11 et 59

« Les promesses électorales n'engagent que ceux qui les écoutent »

Charles Pasqua, ministre de l'intérieur et au plan 1986-1988, 1991-...

Aucun commentaire: