Depuis longtemps nous avons exprimé notre sympathie pour la cause de la pêche Normande. En 1980, nous participions à la grande manifestation des pêcheurs Normands à Paris où les drapeaux aux léopards ou à croix de saint Olaf flottèrent sur le pont de Bir-Hakeim. Nous garderons de ce jour là l'impérissable souvenir de la colère Normande s'exprimant face à l'indifférence de l'État central... Concernant la question des îles de la Manche, quelles soient sous souveraineté britannique ou sous domination française, elles sont toutes Normandes, elles font partie intégrante de la Grande Normandie !
La situation n'est pas sans rappeler la fameuse distinction maurrassienne entre le Pays Légal et le Pays Réel... Et c'est quand le Pays Légal ne prend pas en compte les problèmes du Pays Réel qu'alors se déchaînent les violences légitimes. Car le Pays Légal ne connaît et n'excuse que les violences abusives, sinon comment oublier les étranges impunités dont bénéficient les « casseurs » des banlieues ? Alors que, lorsque le Pays Réel a le sentiment que la coupe des avanies déborde, les violences légitimes auxquelles peuvent se livrer certaines populations désespérées sont sévèrement réprimées, tandis que les revendications les plus justifiées sont plus ou moins ridiculisées par la clique médiatique parisienne et les moralistes en chambre de la classe intellectuelle...
Être du côté de ceux qui, bien que travaillant dur, sont spoliés du fruit de leur labeur, est un devoir sacré, et quand on méprise certaines professions nous savons bien qu'on insulte tout ce qui fait la grandeur quotidienne du peuple Normand. Pour faire plaisir à des notables en quête de casquettes gratifiantes, on a arbitrairement divisé la Normandie en deux régions. La Normandie ne s'en remet pas. Ni la « haute », ni la « basse »-Normandie ne savent tirer leur épingle du jeu dans la grande partie de Monopoly que constitue l'Aménagement du Territoire et nos petits roitelets – présidents de régions-croupions – n'ont pas l'entregent suffisant pour exiger de l'État central une nouvelle prise en compte des problèmes de certaines de nos catégories sociales et professionnelles.
Veut-on un exemple ?
Comment a-t'on pu tolérer que l'État français ferme son consulat en l'île de Jersey alors que Madame le Consul, aux dires mêmes des représentants de la profession, avait toujours su défendre au mieux les intérêts de nos pêcheurs ?
Qu'a fait le président de la région de « basse »-Normandie devant cette dérobade étatique ? Et son collègue de « haute »-Normandie, qui n'a même pas du se sentir concerné ? Rien, bien évidemment ! Eussent-ils, d'ailleurs, protesté, qu'ils l'auraient fait de façon discordante et donc, inopérante. Voilà le résultat de la division Normande !
Rapportez cela au problème des routes, à celui du chemin de fer, aux investissements structurants et vous comprendrez alors pourquoi, aujourd'hui, en ce mois d'avril 1994, la Normandie se trouve dans une situation dramatique au plan économique et social, avec 200 000 demandeurs d'emploi officiellement recensés, le triste record de France de l'endettement des ménages et un retard scandaleux en matière de communications.
Dans l'affaire des archipels des Minquiers et des Ecrehous, il est navrant que ces îlots soient interdits à nos marins-pêcheurs et que six à sept cents familles pâtissent de cette forme d'exclusion de la part de nos compatriotes Normands des îles de la Manche qui ne font pas partie de l'Europe communautaire. C'est bien la raison pour laquelle ils peuvent s'opposer à l'accès des eaux de l'archipel Normand, puisqu'elles ne sont pas communautaires...
Il est étonnant que le gouvernement français ait accepté l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché Commun sans exiger que les îles de la Manche fussent concernées... Là est la vraie question.
Et cette question date de 1204. C'est a dire de l'annexion par un royaume continental d'esprit d'une Normandie maritime par essence... Paris a « oublié » les îles en 1204, parce que les français ignoraient la réalité maritime. La France a perdu devant le Tribunal International de La Haye en ce qui concerne les Minquiers et les Ecrehous parce que ses juristes, notoirement insuffisants en matière de droit maritime, ont été surclassés par les spécialistes en Droit Normand que les britanniques ont eu l'intelligence de mettre en avant !
Oui le jugement de la Cour de La Haye est inique.
Mais à qui la faute ?
Grugés à La Haye, évincés des Minquiers et des Ecrehous, les Normands du continent sont en plus méprisés par Paris.
Voilà la réalité ! Et tant que nous n'exigerons pas que la Normandie soit réunifiée et puisse, de ce fait, prendre en mains son destin, nous connaîtrons des désastres.
Prenons-nous le chemin d'un réveil de la Normandie ?
Nos régions, puisqu'il faut parler au pluriel, sont-elles à même, de profiter de l'émergence du pouvoir régional, depuis les fameuses Lois Déferre de 1982 ?
La réponse est non !
Et ce pour deux raisons :
– les responsables régionaux, depuis 1982, n'ont pas su, ou n'ont pas voulu coordonner leur action. Les contrats de plan État-Région qui ont été signés l'ont été sans concertation entre l'Abbaye aux Dames et la Caserne Jeanne d'Arc. Cette situation est déplorable. Elle livre la Normandie aux appétits boulimiques du Grand Bassin Parisien qui, dans son contrat de plan inter régional inclus intégralement la Normandie.
– la première mouture du projet de loi sur l'aménagement du territoire est une régression de vingt ans. La région, dont les français pensent que c'est l'échelon où doit s'organiser l'aménagement du territoire, se voit dépouillée de ses prérogatives et, surtout, de ses moyens financiers qui sont transférés aux départements.
Voilà la grande réforme Pasqua !
Croyez-vous qu'avec cela la Normandie va redevenir la communauté vivante, dynamique que nous appelons de nos vœux ?
Croyez-vous que les Normands seront mieux défendus par de petits chefs de chefs-lieux de canton n'ayant d'autre ambition que leur réélection, d'autre action que l'assistanat social intéressé, d'autre vision d'ensemble que celle de l'arrondissement sur lequel régnera un sous-préfet aux ordres ?
La réforme Pasqua, c'est la revanche du corps préfectoral et de la multitude des petits potentats qui laissent l'État totalitaire gérer les vraies affaires. Pouvons-nous nous satisfaire de la manière dont l'État central a su défendre les intérêts Normands en générai, des marins-pêcheurs en particulier ?
Didier Patte
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