On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



samedi

Territoire et destin en friche

À force d'avoir le nez dans les étoiles (y compris les douze européennes), les peuples ont oublié qu'ils avaient les pieds sur terre, à défaut d'aménager intelligemment leur territoire pour conforter leur démarche...

L'économie incontournable

L'aménagement du territoire ; ardente obligation ou bonne gestion, légitime aspiration ou véhémente revendication selon les uns ou les autres mais évidence pour tous... à notre époque. Cela n'a pas toujours été aussi évident. Notre pensée qui se veut visionnaire n'est que l'aboutissement très temporel d'un processus multi séculaire que l'on projette dans un court ou moyen terme hypothétique. Pourtant les concepts et effets de l'aménagement du territoire ont en commun d'être aussi longs à mettre en place qu'à s'effacer. Grossièrement, la France (selon le même principe que tous les autres pays « développés ») avec ses cinquante-cinq millions d'habitants produit les cinq cent mille ingénieurs et techniciens réellement utiles ; le reste a un rôle de vivier et de consommation, le nombre sert les économies d'échelle. Les pays en voie de développement fournissent les mains d'œuvres nécessaires aux grandes séries de production ou traitement à faible coût. Le quart monde constate et regrette à l'exception de la coopération qui, comme l'a dit un ministre de Mrs Thatcher, consiste à verser des fonds aux riches des pays pauvres grâce à une ponction fiscale opérée sur les pauvres des pays riches.

La répartition internationale du travail autorise les profits n'importe où sans l'obligation d'aménagement durable des sites et la prise en compte des difficultés sociales des habitants locaux.

En marge de ce survol historique, notons que, de l'espace tribal à la circonscription électorale en passant par la féodalité, le territoire a toujours été fondateur et référentiel du pouvoir, des lois, des coutumes, de la communauté d'intérêt et des conditions de vie.

Vive l'État-Nation

Le libéralisme reconnaît à l'État deux droits justifiant son existence : fournir les infrastructures du développement économique, panser les plaies des laissés pour compte du dit développement ; l'adage récent « État moderne, État modeste » fait tristement suite aux célèbres « Laissez faire, laissez passer » et « Enrichissez-vous ».
Allégorie célébrant la nouvelle division du royaume en départements égaux en 1790.
Avec ce découpage les circonscriptions administratives sont féodalisées au profit des notables localistes qui « gouvernent » sous la tutelle des préfets.

Plutôt que de s'enfermer dans des querelles de définition et attribution des rôles (comme celles suscitées par la notion de subsidiarité dans le Traité de Maastricht ou la préparation avortée du Xleme Plan ou par l'enquête de Pasqua sur l'aménagement du territoire) considérons les trois fonctions régaliennes qui justifient l'existence de l'État et son intervention pour aménager le territoire :
- assurer la subsistance du peuple (économie et fiance)
- assurer la paix intérieure (justice, solidarité et condition de vie)
- assurer la paix extérieure (diplomatie et défense)

Pour plus d'efficacité, cela suppose l'homogénéité ethnique et culturelle sur un territoire, selon une histoire pour un destin.

La seconde légitimation d'un État repose sur sa réussite dans ces trois fonctions plus que par le degré de démocratie qui l'a porté au pouvoir. Une dictature, illégale au départ, peut se légitimer, donc accéder au stade supérieur de la perfection politique, en aménageant correctement le territoire et en assurant ses fonctions régaliennes dont le point « de vie décente » devient crucial pour le jugement de l'Histoire. La dictature peut-être utile pour la préparation nécessaire d'une forme de démocratie conforme à un peuple pour gérer son espace vital. La première légitimation d'un État est d'être l'aboutissement logique d'une synthèse comprenant les éléments de l'histoire, de la géographie, de la culture d'un peuple qui adhère naturellement au système. L'intervention de l'État dans le domaine des relations extérieures pour l'économique et le social, au sein de l'Union Européenne ou de l'Organisation Mondiale du Travail, n'est pas l'objet de cet article mais elle doit rester présente à l'esprit. En effet, il faut tenir compte d'une part des besoins en matières premières et des besoins de débouchés pour nos entreprises, d'autre part d'un système de concurrence et imbrications internationales qui sont des réalités contraignantes pour longtemps encore. Ce n'est pas d'hier que les bourgeois, commerçants et affairistes, ont porté les beffrois plus haut que les clochers en même temps qu'ils faisaient du système urbain le pôle économique prépondérant au détriment du système rural. L'aménagement du territoire est peut-être l'amorce de la revanche posthume des féodaux qui prenaient en compte la terre nourricière et source de puissance avec les serfs qui y étaient, affectés. Ces derniers trouvant là une sécurité d'emploi et de protection face aux agressions des « voisins » que l'on rencontre de moins en moins dans nos banlieues.

Acteurs et conditions.

Les acteurs de l'aménagement du territoire peuvent être regroupés en trois catégories :
- les institutionnels : l'État, les collectivités locales, les entreprises nationales.
- les ambigus : entreprises privées, les multinationales.
- les zombies : l'Union Européenne, les partis politiques.

Bien évidemment, l'aménagement du territoire est plus facile en période de prospérité, mais c'est, justement à ce moment qu'il est le moins nécessaire. À cela s'ajoutent les difficultés dues à un jacobinisme persistant dont s'accommodent les fonctionnaires, les quémandeurs, les dépourvus d'imagination, de repères ou d'envergure.

Autre problème d'ordre intellectuel ; le mépris du monde rural parce qu'il existe un mythe de la ville source de progrès, de profit de confort, de loisirs, de services, de vie, de démocratie, de convivialité et toutes autres bonnes choses que l'on constate de moins en moins, mais qui existent aussi en milieu rural, même si cela est de façon différente. Les révolutions industrielle et informatique ont relégué le secteur primaire dans le domaine des parcs et des musées, maintenant il faut payer ces erreurs.

Critères et finalités

L'aménagement du territoire n'est pas une fin en soi mais a une finalité. C'est un moyen qui a lui-même besoin de moyens. Les critères d'action sont déterminants et révélateurs du pouvoir qui ordonne (au double sens de ‘dirige’ et ‘détermine une disposition’). On peut partir des ressources locales, créer des conditions artificielles, utiliser des faits, les finalités contribuent toutes à l'unité nationale ; ce peut-être un paradoxe du régionalisme, les finalités sont aussi le reflet des peuples, des pouvoirs, de leurs histoires. Quelques exemples :

- U.R.S.S. : organiser l'interdépendance des régions en les spécialisant (imbrication pour dominer).
- Allemagne : quadrillage du territoire à des fins stratégiques mais permettant à chaque allemand d'accéder de façon égalitaire à tout le territoire (longue tradition de länder, indépendants puis fédérés) à l'opposé du réseau en étoile autour de Paris (conception différente de l'État mais même résultat de « bornage » dans l'esprit du peuple).
- Italie fasciste : assèchement des marais pour l’agriculture ; œuvre paternaliste de nourriture (deux des quatre pulsions fondamentales de l'homme) mais aussi fierté de vaincre et féconder la nature.
- Conquête de l'Ouest américain : exemple type d'une puissance assise sur un territoire ou l'égalité de droit et de propriété crée un intérêt commun et une solidarité.
- Les colonies de peuplement israéliennes : dans les zones occupées ; ré appropriation du soi dans le cadre du mythe biblique.
- La planification française : esprit cartésien qui quantifié tout le projet avec une rigueur mathématique peu compatible avec la vie. La planification ne s'y fait pas en termes qualitatifs, coordonnés, d'objectifs sans délai. On rêve de disposer d'une mine et d'un port en Savoie comme en Vendée ou en Lorraine. Les jacobins croient que « Unité » est synonyme « d'Uniformité ». Les phénomènes d'interaction et de dépendance des secteurs ne sont pas pris en compte.

L'aménagement du territoire est donc tout sauf une clause de style dans la vie politique. Pour pasticher, je crois même que c'est une affaire trop sérieuse pour les hommes politiques, il vaudrait mieux le laisser aux hommes qui ont le sens de l’État ainsi qu'une conception claire de leur appartenance nationale et de leur fonction.

Une constitution fédérale serait une bonne solution pour l'aménagement du territoire, donc pour la France.
Éric Valin

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