Fracas, fureurs guerrières semblent résumer ces époques où norois et leurs descendants normands s'illustrèrent d'éclatante façon.
Ces temps furent certes violents à nos yeux, quoique deux guerres fratricides qui ravagèrent le territoire européen en moins de trente-cinq ans ne nous donnent guère le droit de porter un jugement trop sévère alors que nous n'avons même pas fini de subir les conséquences de ces désastres. Il ne faudrait toutefois pas réduire la Normandie et le rayonnement culturel qu'elle engendra à ces uniques faits d'armes, aussi fameux furent-ils (les chroniqueurs rapportent des combats en Italie du Sud où le rapport des forces en présence était de un contre dix au détriment des Normands ce qui ne les empêchaient pas de triompher des armées byzantines qui leur étaient opposées). Ceux-ci ne furent, finalement que le prétexte ou le résultat de phénomènes plus vastes et plus complexes. En effet, c'est le côté « civil » des États ainsi créés qui cimenta l'espace Normand.
Le pouvoir utilisait les guerres comme moyen et non comme une fin en soi. Lorsque d'autres voies que celles des armes étaient possibles, celles-ci furent utilisées (alliances matrimoniales, achat de gouverneurs de forteresses à investir, diplomatie, etc.). À cet égard, le Duc Guillaume brandissant l'étendard de saint Pierre pour une croisade anti-Saxonne est un modèle du genre car si l'effet fut nul sur ses adversaires directs, il avait, malgré tout, lié les mains de ses adversaires continentaux potentiels qui ne pouvaient s'attaquer aux terres d'un croisé sans problème avec un pouvoir ecclésiastique puissant, assurant ainsi une régence tranquille à la Duchesse Mathilde et à son conseiller Lanfranc, alors que le gros des forces de la Duché n'était plus présent à la défense des marches.
Toute l'histoire de la Normandie s'inscrit dans cette perspective : recherche d'une paix à l'intérieur pour pouvoir faire face aux menaces de l'extérieur. Cette paix intérieure, dès que le pouvoir était suffisamment fort pour l'imposer, fut partout mise en place par divers moyens, pragmatisme oblige, tel que l'instauration de la Trêve de Dieu par le Duc Guillaume avant même qu'il ne soit devenu « Le Conquérant », interdiction et démantèlement, le cas échéant, des châteaux « adultérins », morcellement des fiefs des grands vassaux, etc. Les Rois Normands de Sicile allèrent même beaucoup plus loin dans ce sens en instaurant, sûrement plus par sens politique que par esprit de tolérance religieuse, un régime de coexistence pacifique entre les trois monothéismes, à une époque ou l'exclusion était plutôt la règle, garantissant ainsi à leur conquête une paix intérieure impossible sans cela. Cette recherche de paix favorisa alors dans tous les territoires Normands l'agriculture, le commerce terrestre et maritime, l'architecture, la législation, etc.
C'est donc dans ces espaces de paix, fut-elle relative, que se forgea la réelle grandeur de la Normandie. Elle en bénéficia longtemps après que les aventures des Ducs-Rois et de leurs émules eurent cessées. Elle en garde encore, de nos jours, toutes les potentialités ; que les Normands reprennent en main leur destin et redevenus maîtres de leur sort et « sire chez eux » dans une nouvelle Europe et on les verra se déployer et redonner à la Normandie la grandeur qui fut la sienne.
Christian Camille
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