Si la Normandie a semblé, aux heures riches de son histoire, être un acteur intellectuel, social et économique, force nous est d'admettre que ce n'est pas le cas de la période révolutionnaire, à ce titre il vaut mieux, effectivement, parler de révolution « française » que de révolution en Normandie.
En 1771, le chancelier Maupeou, parisien d'origine et de tradition, supprime les Parlements provinciaux. Celui de Rouen se trouve remplacé par deux « Conseils supérieurs » siégeant l'un à Bayeux et l'autre à Rouen. La Normandie se trouve coupée en deux par la volonté du pouvoir central, fidèle à l'adage « diviser pour régner ».
Le geste de Maupeou suscite une nuée de pamphlets. Le plus curieux, intitulé « Manifeste aux Normands » est indéniablement teinté d'autonomisme. L'auteur rappelle les privilèges de l'Échiquier, les dispositions du Coutumier et les engagements de la Charte aux Normands. Selon lui, il y a violation unilatérale du contrat qui unit la Normandie au royaume de France et il faut en tirer les conséquences. La riche Normandie dont parlaient les Encyclopédistes est touchée par la crise et Louis XVI décide de lui apporter le réconfort de sa personne en juin 1786. Notre province compte alors plus d'un million huit cent mille habitants et paye chaque année cinquante et un millions de livres d'impôts.
Trois mois après, en septembre 1786, est signé le traité d'Eden Rayneval entre la France et l'Angleterre. Les tarifs douaniers sont abaissés, mais la Grande Ile possède une avance technique qui ruine les manufactures textiles normandes. Les ouvriers, réduits au chômage, forment des bandes errantes. Cette crise industrielle s'accompagne d'une chute des prix agricoles en 1777 suivie d'une flambée des cours l'année suivante, succession d'un été trop pluvieux à un été trop sec.
Le roi réunit, en 1787, l'assemblée des grands notables du royaume. Les représentants normands, menés par le duc d'Harcourt, font état de la Charte aux Normands. Ils exigent son respect intégral et manifestent un esprit très particulariste devant toute tentative de solution absolutiste.
Les parlementaires, menacés par la réforme « Lamoignon » prennent le relais des grands privilégiés. Ils défendent leurs propres intérêts, mais réalisent un front uni d'opposition qui va des plus grands aux plus humbles. L'annonce, dès l'été 1788, de la convocation des États-généraux provoque un grand mouvement d'espoir. Les normands de toutes les classes sociales aspirent à de profondes réformes. La Normandie, tout entière, espère. La noblesse et le clergé rédigent des cahiers de doléances dans le cadre du baillage ; le tiers dans le cadre de la paroisse ou de la corporation. Très vite des divergences apparaissent entre les ordres, mais il est significatif que l'allusion à la Charte aux Normands et aux libertés provinciales se retrouve aussi bien chez les humbles que chez les nobles. Le tiers état, dans la paroisse de Saint Martin de Maromme, dans le baillage de Rouen, demande ainsi « que la province soit réintégrée dans ses droits qu'elle a droit de réclamer ; que les États provinciaux soient rétablis ; que la Charte normande soit respectée et exécutée en tout ce qu'il n'y aura point de contraire aux articles ci-après ».
Les parlementaires, menacés par la réforme « Lamoignon » prennent le relais des grands privilégiés. Ils défendent leurs propres intérêts, mais réalisent un front uni d'opposition qui va des plus grands aux plus humbles. L'annonce, dès l'été 1788, de la convocation des États-généraux provoque un grand mouvement d'espoir. Les normands de toutes les classes sociales aspirent à de profondes réformes. La Normandie, tout entière, espère. La noblesse et le clergé rédigent des cahiers de doléances dans le cadre du baillage ; le tiers dans le cadre de la paroisse ou de la corporation. Très vite des divergences apparaissent entre les ordres, mais il est significatif que l'allusion à la Charte aux Normands et aux libertés provinciales se retrouve aussi bien chez les humbles que chez les nobles. Le tiers état, dans la paroisse de Saint Martin de Maromme, dans le baillage de Rouen, demande ainsi « que la province soit réintégrée dans ses droits qu'elle a droit de réclamer ; que les États provinciaux soient rétablis ; que la Charte normande soit respectée et exécutée en tout ce qu'il n'y aura point de contraire aux articles ci-après ».
Au printemps 1789, on voit apparaître des cahiers consacrés au quatrième ordre, celui des silencieux et des mal-nourris. Une brochure, datée du 29 avril 1789, « La mort du tiers-état », porte en sous titre « Plaintes que présentent au Roi les bourgeois de la ville de Rouen, au nom des malheureux de toute la province de Normandie ». Ces cahiers dénoncent les abus, les privilèges, les inégalités ... La cassure est profonde entre la bourgeoisie et le peuple qui s'adresse à « la sollicitude paternelle de notre auguste monarque ». La grande peur de l'été 89 atteint peu la Normandie, sauf dans les campagnes d'Alençon et de Falaise. Cette rupture va se traduire en émeutes au moment où le prix des grains devient insupportable : à Rouen, dans la nuit du 11 au 12 juillet, au Havre et à Caen le 15 juillet.
À Rouen, la bourgeoisie locale forme une municipalité nouvelle sous la direction du libéral marquis d'Herbouville. L'émotion populaire aboutit à la naissance d'un pouvoir bourgeois ... Mais, le 4 août, la municipalité demande au gouverneur de Normandie de réprimer de nouvelles émeutes.
Désormais tout va se décider à Paris. Les députés normands sont en général très désireux de profondes réformes, mais dans le calme et l'ordre. Les travaux de la Constituante vont marquer une rupture avec l'ancien ordre des choses et décevoir les tenants du particularisme de la Normandie. Avec les privilèges de la noblesse on va aussi abandonner, dans la nuit du 4 août, les libertés des provinces. La Normandie se voit morcelée en cinq départements et perd sur la rive droite de la Bresle deux douzaines de communes. Désormais, face à un pouvoir qui se voudra de plus en plus unificateur, l'esprit communal va remplacer l'esprit provincial. La résistance normande, face à l'autoritarisme et à la centralisation, se trouve émiettée, atomisée.
Le 12 juillet 1790, la constitution civile du clergé supprime les évêchés d'Avranches et de Lisieux. Le concordat impose au clergé de prêter serment de fidélité à la Nation. La division s'établit pour moitié entre prêtres constitutionnels et réfractaires.
Quand s'achève la première partie de cette révolution, les espérances normandes restent intactes. La bourgeoisie, enrichie par la vente des biens nationaux, semble la grande bénéficiaire de l'opération. Les normands sont satisfaits, tout c'est passé dans l'ordre et dans le calme.
d'après Jean MABIRE et Jean - Robert RAGACHE
HISTOIRE DE LA NORMANDIE, éditions FRANCE EMPIRE, 1986
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