En Europe, il existe autant de monarchies que de républiques. Les partisans de l'idée monarchique, tout comme leurs détracteurs, idéalisent un type de société qui ne vaut que parce que nous sommes prêts à lui sacrifier. Mais cela suffit-il pour remettre en cause tant d'espoirs et de peines placés dans des lendemains que l'on espère toujours meilleurs ? Le principe à ne jamais oublier est que tout repose sur l'homme, sa culture, sa civilisation. Mais, plus la vie quotidienne des peuples s'imprègne de rigueur technique, plus leur vie intérieure sacrifie à l'irrationnel. L'effondrement des structures traditionnelles d'encadrement moral accentue encore ce phénomène. Ainsi aux meilleurs temps de la révolution française, avant que la corruption ne souille la vertu, assister aux débats de l'Assemblée nationale nécessitait un billet de tribune que l'on devait acheter trois livres ! Par contre, Charlotte Corday pouvait approcher Marat sans qu'un cordon de police lui rende la tâche impossible ... Combien de Conventionnels ont sombré dans l'affairisme ? Combien d'entre eux ont accepté les titres ronflants de l'aristocratie impériale ?
On est loin de la vertu intransigeante que l'on affichait avec ostentation en juin 1789.
Le 21 janvier 1793, la France a signé son acte de décès. La fin voulue d'une dynastie est une volonté de rupture dont les conséquences dépassent le seul geste contre une personne. Les Conventionnels, qui ont refusé que la déchéance de la monarchie soit soumise au peuple, savaient que ce sacrifice, même et surtout symbolique, était une nécessité pour que leur « sens de l'histoire » poursuivre son cours.
Ce sens de l'histoire prend racine au siècle de Louis XIV, dans l'organisation d'un État où un seul cristallise l'ensemble des aspirations des peuples regroupés dans un espace géographiquement contrôlé. Ce centralisme s'appuyant sur une vision romaine de l'État conduira, trois souverains plus tard, à la confiscation des libertés communales et provinciales.
Le Roi, même absolu, représentait un lien charnel avec l'ensemble des communautés. Les premiers républicains ont tenté d'imposer le visage d'une femme pour personnifier la mère patrie. Malgré celte intention louable, ce visage aura été double : la mère qui console et qui rassure, celle qui fait prendre les armes pour assurer sa survie. L'image du clocher justifiée par celle des lointains champs de bataille, vaut celles de la continuité dans le changement et de la force tranquille. La république assume tant bien que mal cette volonté de stabilité d'une société que ses élans de générosité déstabilisent. Écartelée entre les aspirations de liberté et l'urgence de maintenir la cohérence de l'ensemble, le système ne cesse d'osciller entre des phases de permissivité et de recentrage qui froissent les aspirations à la reconnaissance des collectivités.
Parler de révolution, même française, n'est jamais chose aisée : il faut réussir à quitter le prêt à penser, guetter avec intransigeance les préjugés hérités, pour tenter de comprendre et de dégager une opinion sur ces journées qui ne firent que confirmer la France que nous connaissons, avec ses contradictions et ses « maladresses ». Il faut savoir accepter le poids de l’histoire : nous ne fûmes pas fameux, pas plus que nous le sommes redevenus. La Normandie, originale depuis 911, s'est vue dépassée par des événements qui montraient que notre décadence était bien avancée. Est-ce une raison pour éradiquer deux siècles d'une histoire Jacobine que de toute façon nous aurions subie ?
Gilbert Crespin
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