On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



mardi

RUNES, Printemps 1992




Éditorial
HISTOIRE DE NORMANDS

Bien sûr, la Normandie avait une histoire avant l'arrivée des Normands, mais ni elle, ni ses habitants n'avaient encore de nom. La succession de différents peuples, celtes, latins, saxons, francs, a préparé l'originalité de ces « pays » sans être capable toutefois de sceller une unité régionale indéfectible. La diversité des caractères physiques rappelait l'absence de cohésion géographique de terres tenant tantôt au Bassin Parisien, tantôt au Massif Armoricain. La vallée de la Seine apparaissait comme une coupure. Et c'est par elle que sont arrivés ceux qui devaient jeter les bases d'un destin collectif. La Normandie est un rivage d'où sont venus les Vikings qui, peu nombreux mais efficaces, lui donnèrent des cadres de vie originaux et un passé indépendant. En effet, la région ne constitue une entité historique que depuis 911, lorsque Charles le Simple, roi de France, céda ce territoire à Rollon, chef des « Northmen » ? Avec eux, une civilisation s’est mise à vivre et pas seulement dans les limites d’une frange littorale inscrite en Bresle et Couesnon. Le Québec, les Îles Anglo-Normandes, l'Angleterre conservent aujourd'hui les traces linguistiques d'une aventure longtemps commune. Il s'agit d'une civilisation de l'arbre et de la mer, de l'élevage et de la pêche, des courses lointaines et du calme des monastères. Marins, pêcheurs, colons, missionnaires, exilés emportèrent avec eux sur tous les océans un langage riche de l'intimité humide du bocage et de l'animation des quais. Les Normands gagnèrent aussi des apports à cette ouverture vers le large. André Siegfried, Normand étudiant le comportement de ses proches, ne manque pas de souligner ce trait britannique qui fait préférer les réalités et les personnages aux idéologies.

Aujourd'hui, l'attrait de la mer a perdu de sa force et les ducs de Normandie ne sont plus qu'un souvenir. Mais n'oublions pas qu'il y a plus de deux cents ans, les Normands réclamaient déjà la création d'Assemblées Provinciales. Ils revendiquaient les droits d'un héritage historique leur conférant la gestion de leurs propres affaires. De nouveau, le passé doit être invoqué : la région subit de rapides mutations ; comme ailleurs le parler se meurt, les diversités s'accusent, la concentration industrielle, en quelques lieux, vide les campagnes, la proximité de Paris active le renouvellement constant des populations des villes.

L'administration elle-même distingue deux régions de programme en opposant haute et basse Normandie. Ainsi, les caractères originaux et les hauts lieux deviennent des cartes postales. Mais une continuité demeure, une unité Normande existe, une vocation maritime est évidente, des forces vives doivent surgir. Partons alors à la découverte de ce qui fit une région, un peuple, une langue, sans nier surtout la multiplicité des réalités locales. Prenons le temps d'éliminer les images complaisantes afin de faire le partage entre le folklorique et ce qui vit, entre les évocations passéistes, empreintes de nostalgie et les aménagements possibles inscrits dans l'histoire.

MADELEINE, PASQUALINI, ROUX et FOLLEAS
Préface à l’« HISTOIRE DES NORMANDS »
F.NATHAN éd., juin 1985

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