Éditorial
... de Jean NAPOLEON
« Normands jusqu'à l'absurde »
La réunification de l'Allemagne, en train de s'accomplir et qui était inscrite dans le droit fil de l'Histoire, ou, si l'on préfère, dans le cours inéluctable des choses, m'a fait irrésistiblement penser à celle de la Normandie, qui, elle, attend toujours sa réalisation en dépit de l'évidente nécessité économique, politique et historique.
Les Allemands de l'Ouest et de l'Est disaient couramment, quand il y avait deux Allemagne : « Un seul peuple, deux États ». Nous pourrions dire à propos de notre patrie Normande : « Une seule province, deux régions ».
Les lecteurs habituels de cette revue, membres ou sympathisants de la Société Alfred Rossel, savent bien que, pour respecter leurs opinions politiques, philosophiques ou spirituelles, nous n'avons jamais publiquement pris parti pour telle ou telle thèse ou doctrine susceptible de nous diviser et que notre association ne prend jamais part à une manifestation de caractère politique.
Qu'il me soit néanmoins permis, sans choquer qui que ce soit et sans faillir à nos statuts, de proclamer notre « normandité » (le mot est de L. Sédar Senghor) et notre amour du pays qui nous a donné le jour, qui est celui de nos parents, ou que nous avons adopté pour nôtre.
Ne partageant pas l'outrance de Louis Beuve qui se voulait Normand avant d'être Français je ne saurais renier ma fierté d'être Français... en même temps que Normand. Il n'y a ni incompatibilité ni choix à faire. Par contre, je serais enclin à faire mienne l'affirmation d'Émile de La Bédollière selon laquelle « la Normandie est une Nation » si l'on donne à ce mot le sens de communauté humaine caractérisée par la conscience de son identité historique et culturelle. Oui, l'identité Normande existe, du Pays de Caux à l'Avranchin et de Cherbourg à Alençon. Elle n'est pas seulement dans les cœurs et les esprits. Elle est inscrite dans les mœurs et souvent sur le sol et contre cela le pragmatisme des politiques sera toujours inefficace. Elle découle de l'Histoire et cette identité Normande pourrait bien s'appeler « Unité ».
La personnalité Normande a été bâtie et façonnée par les Ducs successeurs de Rollon. Solide comme nos cathédrales – mais n'en ayant peut-être pas toujours eu la fierté, hélas ! – elle a défié les siècles et les tempêtes révolutionnaires ou guerrières. C'est pourquoi je suis pleinement d'accord avec le Mouvement normand qui lutte pour que les deux régions Normandes n'en fassent plus qu'une. Mais, dans nos cœurs l'Unité n'a jamais cessé d'exister. Plut au ciel qu'un jour prochain, en dépit d'oppositions aux motifs pas toujours avouables, elle se réalise dans les faits.
Certains technocrates ou aménageurs du territoire osent parler de « Grand Ouest » ou « d'Arc Atlantique », dans lequel serait imbriqué la « Basse » Normandie alors que la « Haute », elle, serait associée à la Picardie ou au Bassin de Paris. Ce serait l'horreur, la négation du « fait » Normand, alors qu'il serait si simple et naturel de reconstituer une véritable région Normande.
Nous sommes peut-être, aux yeux de ces gens-là de doux rêveurs irréalistes. Qu'importent pour eux l'Histoire et les sentiments ! Ernest Renan, qui n'était pourtant pas normand n'a-t-il pas écrit : « Les hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du Passé » ?
Que ceux qui nous gouvernent s'inspirent de cela et qu'ils aillent dans le bon sens – celui de l'Histoire – afin que la Normandie profonde soit enfin une réalité : une Grande Normandie conforme à son passé comme â son destin...
« LE BOUES JAUN »
4ème série n°13 « SAINT DENIS » 1990
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