Jamais les nations françaises n'auront été autant menacées dans leurs identités. Passage de l'État centralisateur à l'État providence, désagrégation orchestrée des liens communautaires hérités de nos traditions respectives, mondialisation de la production des biens et uniformisation des standards de consommation, constitution de ghettos échappant à la souveraineté de l'État sans que les collectivités locales ou territoriales puissent contrôler effectivement le développement et l'occupation de leurs territoires. Tout concourt à la désintégration des nations qui fondaient, hier encore, la puissance de la France.
Après que l'Allemagne ait recouvré son intégrité territoriale, que les pays de l'Est abandonnent le joug d'une tyrannie idéologique sans précèdent avec ce que l'histoire nous enseigne, le cadre institutionnel français perd son contenu : les identités françaises disparaissent sous les coups redoublés des médias vecteurs d'un universalisme de pacotille et des corps sociaux initialement chargés de transmettre nos cultures.
Les schémas familiaux, éducatifs, sociaux, qui assuraient il y a trente ans encore, la pérennité d'un système de valeurs qui, s'il ne répondait pas immédiatement à nos convictions, défendait une théorie de l'homme, se sont effondrés victimes d'une implosion liée à la mise en place d'un nouveau modèle « libéral » où règne en mal absolu le seul primat économique. Nouveau Janus, l'homo-économicus, est ravalé au double rôle de consommateur-producteur, chaque partie décérébrée de l'autre. Aujourd'hui les mutations professionnelles séparent les familles, déportent les individus hors de leurs cadres naturels, les responsables scolaires, quand ils ne dénigrent pas les régions et les traditions locales – symboles d'archaïsme – prônent l'équivalence des modes de vie. Les provinces de France subissent la loi des technocrates dé-civilisateurs pour, dès que les conséquences de leurs actions destructrices leur ont fait perdre leur masse critique, économique et démographique, se fondre dans la grisaille des banlieues mondialisées ; l'économique dénie tout droit d'existence aux collectivités qui ne sont pas reconnues « potentialisables » en organisant la fuite des sièges sociaux à la faveur de regroupements capitalistiques internationaux.
Ainsi vidées de leur substance, de leur capacité d'action, sinon de réaction, les nations authentiques, enracinées, qui constituent encore des communautés de destin, sont conduites à subir toujours plus les contraintes imposées de l'extérieur. La plus visible, et non moins dangereuse, réside dans l'afflux de populations dont la qualité, autant que le nombre, laisse augurer de l'avenir des provinces. Leur affaiblissement préalable par une volonté nivelatrice n'est qu'un premier pas vers leur dilution dans un cosmopolitisme dont nous pouvons goûter toute l'amertume lorsque les effets du discours s'estompent pour tenir leurs tristes promesses.
À la lumière de la « vie » dans les quartiers de la « Big Apple » (N-Y : prononcez Enn'ouaïe pour faire plus vrai) nous pouvons déjà apprécier quelles seront nos conditions de vie lorsque se seront apaisées les dernières nuits chaudes des quartiers socialement défavorisés. La juxtaposition d'ethnies différentes, sans système de références communes, sur un même territoire, conjuguée des effets de la crise sociale actuelle, conduisent à un déclin qu'un ministre de l'intérieur Belge comparait avec la chute de l'Empire Romain sous les assauts de la Barbarie. Belle perspective d'avenir à l'heure des accords de Maastricht ou de la signature de l'Acte Unique Européen !
Bien que défendant le droit à la différence, il convient de souligner que nous entendons rester particuliers au sein d'un même ensemble social et culturel. Les migrations de populations ont toujours entraîné, instinct grégaire, le regroupement d'originaires, la recréation de micro sociétés, régionales, nationales ou ethniques. Aujourd'hui, dans les grandes agglomérations, mais à terme, encouragées par les décideurs soucieux de résoudre leurs problèmes immédiats en refusant de prendre leurs responsabilités morales, ces regroupements seront incités à occuper d'autres espaces plus disponibles, de la périphérie de Paris aux villes nouvelles, nouveaux échecs d'urbanisme, puis dans les cantons désertifiés. Si c'est une façon statistique de résoudre le problème rural, il serait vain d'oser croire que cette forme de repeuplement ne s'accompagnera pas un jour d'une revendication territoriale de type tribal qu'accompagnera une révolte des « paupers » des « limes » contre les « riches » de l'« urbs » et dont l'exemple yougoslave pourrait-être la dernière répétition avant la générale.
II est paradoxal que dans notre société seuls les indiens d'Amérique, les Juifs, les Palestiniens et, depuis peu, les populations des anciens pays du bloc de l'Est, aient le droit de manifester, avec notre sympathie émue, leur volonté d'avoir pour développer leur identité un territoire reconnu, alors qu'ailleurs on impose aux populations des changements radicaux dans leur composition. Nous ne voulons pas que l'on détruise ce qui composait hier notre particularité. Nous ne voulons pas devenir les « Mickeys » d'un Disneyworld où l'insécurité permanente des personnes accompagnerait la disparition de leurs modes de vie ancestraux. Nos traditions « régionales » sont toutes aussi dignes d'intérêt que celles de ces déracinés que l'on exhibe tout autour du monde pour de pseudo motifs humanitaires. Nous ne voulons pas que le travail de nos pères, leurs modes de vie, soient remplacés par une culture au rabais que l'on irait glaner dans les gondoles des super marchés, nouveaux luna-parks. Nous ne voulons pas d'une société où la certitude de ne pas mourir de vieillesse s'échange contre l'assurance de notre disparition en tant que peuple.
À l'heure où tant de grandes âmes et de belles consciences s'émeuvent de ce que certains chefs d'État aient pu organiser de façon systématique la déportation de populations entières hors de leurs territoires naturels, pouf les remplacer par des colons disciplinés (cf. les Baltes, Roumains, Cambodgiens, ...) on est en droit de se demander si, à l'abri du paravent libéral, les mêmes idéologues ne continueraient pas la même sinistre besogne pour d'autres causes toutes aussi inavouables. Devant l'incapacité de l'État, les collectivités territoriales devront-elles assumer, devant leurs résidents, la responsabilité de situations dont elles ne sont pas les initiatrices et pour lesquelles aucun pouvoir ne leur semble devoir être conféré, sinon celui d'enregistrer les conséquences da la « soft idéologie » ?
L'identité de notre province se nourrit des souvenirs et des références qu'elle partage avec la France, dans la continuité des générations qui ont fait notre commune grandeur. Cette continuité est interrompue, et tout porte à croire que cette interruption est une fatalité. Si la culture est la nature de l'homme, les transformations des populations régionales induiront d'importantes modifications psychiques et culturelles, rendront aléatoires la transmission d'un patrimoine devenu sans signification.
Notre but particulier étant de pouvoir mieux participer à l'ensemble culturel français et européen, il est primordial que nous garantissions la pérennité dynamique de notre particularisme. Nous ne pouvons admettre que l'on change, pour quelque type de satisfaction idéologique ou marchande, les composantes essentielles de notre nation Normande.
Jean Halot
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