On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



mardi

Pour tenter de conclure

– « Un Hors-série sur l’Irlande ? Bon courage… »

– « Si vous aviez quelques a priori, vous pouvez en faire votre deuil. »

– « Comment expliquer ce que les Irlandais n’osent aborder ? »

– « Les Irlandais adorent la France. Mais pour ce qui est des Normands, tu ferais mieux de prendre un autre thème. »

Pourtant, cet exemple irlandais, dont nous nous sentons si proches, semblait devoir fournir le sujet d’une réflexion enrichissante pour ce qui nous intéresse, nous régionalistes Normands.

L’Irlande a le charme de tous les « bouts du monde » ; dernier îlot d’humanité avant la solitude glacée de l’Océan, l’image d’un peuple qui a toujours lutté pour affirmer son identité, Finistère européen qui voudrait rester le dernier foyer de civilisation originelle commun à tous les peuples européens. Tous ces clichés plus ou moins subjectifs nous renvoient une image qui, en fait, pourrait bien être la nôtre.

Tout comme l’Irlandais, le Normand n’est pas uniforme, vieux Normands ou horzains, adoptés ou conquis, Catholiques, Protestants, agnostiques, sans faire le compte des sensibilités politiques et sociales… Ici s’arrête la ressemblance. La Normandie n’est pas une île, les Normands ne revendiquent pas tous l’héritage viking, loin s’en faut, et la langue Normande s’est depuis fort longtemps confondue avec celle de ses voisins Français.
Reste la valeur de l’exemple.
À partir d’un constat de décès, comment les Irlandais ont-ils réussi à ressusciter un mythe ? Quels ont été les ressorts de leur action ? Que sont devenues les causes de leur quête identitaire ?
Pour nous, continentaux, le problème Irlandais prend naissance pendant la révolution de 1789. À l’époque où les clubs projetaient dans la rue les causeries des salons, l’exotisme n’était pas aux Antilles, où il n’était pas question d’étendre aux esclaves la déclaration des droits de l’homme, mais à nos portes. Les Irlandais en exil à Paris, à l’exemple de Tone, s’enflammeront pour les « idées nouvelles », la Convention et la Terreur les regarderont comme des fils spirituels, parce qu’ennemis de la perfide Albion. Les Irlandais s’attacheront à l’idée républicaine, la république leur sacrifiera quelques bataillons pour appuyer une paradoxale chouannerie. Ici s’arrête l’histoire commune et commence l’idéalisation des rapports car, depuis, la France s’est plus souciée d’établir des relations diplomatiques sereines avec l’Angleterre que du destin de l’Irlande.
Après une longue lutte contre le colonialisme anglais, les nationalistes Irlandais ont fini par obtenir une demi-indépendance pour les trois-quarts de l’île. Cette quête libératrice, aux résultats très divers au plan politique, économique et culturel, pouvait se résumer ainsi : « Pas seulement libre, mais également gaélique ». En fait, le résultat est plutôt décevant, et force est de constater que si l’Irlande est libre, elle n’est pas nécessairement gaélique.
Des salons littéraires était montée la revendication identitaire, affirmée par la défense de la langue. Depuis le 5 avril 1973, l’enseignement du gaélique n’est plus obligatoire. L’Irlande est un pays bilingue où l’on parle Anglais, travaille en Anglais, consomme en Anglais… Comment un pays anglophone aurait-il pu résister au déferlement culturel anglo-américain, témoin d’un nouvel impérialisme, véhiculé par les mass-médias ?
Le « brûlez tout ce qui vient d’Angleterre, sauf le charbon », de Swift n’a pas eu un meilleur sort. L’EIRE est toujours restée économiquement très dépendante de la Grande-Bretagne et, la question sociale liée à la volonté de mettre fin à l’émigration, les gouvernements successifs ont choisi d’attirer les industries et les capitaux étrangers dans des zones franches d’où les investisseurs nord-américains et nippons inondent le marché commun de leurs produits européanisés.
L’affirmation, autant véhémente que naturelle, d’une « Irlande irlandaise » n’a pas fait, non plus, longtemps illusion. L’Irlande est restée, pour des raisons essentiellement économiques, liée à la Grande-Bretagne et a conditionné son entrée dans la Communauté européenne à la demande d’admission de la Grande-Bretagne.
Nous ne pouvons croire que l’Irlande, malgré la grandeur de ses luttes passées, ne soit devenue qu’un simple pôle d’attraction touristique pour amateurs de Whiskey, pulls torsadés et autres parties de pêche ?
Jean Francois Bollens

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