On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



dimanche

Runes, été 1992

Éditorial


de ... Jack Lang.


La culture est universelle, oui, mais veillons à ne pas mettre tout sur le même plan (…) Veillons à ne pas cultiver des syncrétismes mous et flous. Au contraire, soyons fiers de nos identités et de nos particularités (...) Le premier des droits de la culture, c'est le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (…)
La création culturelle et artistique est victime aujourd'hui d'un système de domination financière multinationale contre lequel il faut s'organiser (...) Nos pays acceptent passivement, trop passivement, une certaine invasion, une certaine submersion d'images fabriquées à l'extérieur et de musiques standardisées. J'ai sous les yeux un tableau accablant pour nous tous. Il décrit les programmations télévisées dans chacun de nos pays. On observe que la majorité des programmations sont assurées par des productions standardisées, stéréotypées qui, naturellement rabotent les cultures nationales et véhiculent un mode uniformisé de vie que l'on voudrait imposer à la planète entière. Au fond, il s'agit d'une modalité d'intervention, plus grave encore dans les consciences des citoyens des États.
Je me dis toujours, et quand je parle ainsi je m'adresse aussi à mon propre pays, qui pourtant a mieux résisté que d'autres : pourquoi accepter ce rabotage ? Pourquoi accepter ce nivellement ? Est-ce là vraiment le destin de l'humanité ? Le même film, la même musique, le même habillement ? Allons-nous rester longtemps les bras ballants ? Nos pays sont-ils des passoires et doivent-ils accepter sans réagir ce bombardement d'images ? Et sans aucune réciprocité ? Notre destin est-il de devenir les vassaux de l'immense empire du profit ?
Nous souhaitons que cette conférence soit l'occasion pour les peuples, à travers leurs gouvernements, d'appeler à une véritable résistance culturelle, à une véritable croisade contre – appelons les choses par leur nom – cet impérialisme financier et intellectuel qui ne s'approprie plus les territoires, ou rarement : il s'approprie les consciences, il s'approprie les modes de penser, il s'approprie les modes de vie (...) Il faut agir si nous ne voulons pas demain devenir les hommes-sandwichs des multinationales (...)
Je parle pour la France : nos alliés immédiatement naturels avec lesquels nous pouvons nouer des alliances culturelles fortes, ce sont d'abord les pays d'Europe. Or, de ce point de vue, si vous saviez dans quel état se trouve la construction de l'Europe culturelle ... Four nous, Français, une autre alliance immédiate est celle avec les pays méditerranéens. II ya aussi pour nous, Français, tous les pays francophones et, au-delà, les pays d'expression latine. Je crois qu'il appartient à chacun d'entre nous de s'organiser avec les autres pour opposer à l'internationale des groupes financiers l'internationale des peuples de culture. Nous ne combattrons cette entreprise de désalphabétisation qu'en nous regroupant, qu'en nous alliant et en construisant concrètement des moyens de riposte.

DISCOURS DE MEXICO, 27 JUILLET 1952

Le temps de la décadence

Le premier juillet 1981, Monsieur Marcel Dassault, à la tribune de l'Assemblée Nationale, déclenchait l'hilarité générale en proposant deux projets : un parc d'attraction géant et une exposition universelle.
La France héberge aujourd'hui le premier, dont elle a abandonné la construction et la gestion aux américains, l'exposition universelle a lieu à Séville ... La foule qui coiffe les oreilles de Mickey vient se couler dans le moule d'une idéologie molle et facile, symbole du désert culturel français, quand à Séville, c'est là que s'affirme la volonté de créer et de rassembler les ambitions d'une Europe toujours à construire.
Le roi Juan Carlos qui a inauguré l'Exposition Universelle a pu déclarer que l'Espagne en ce lieu « prétendait transmettre à ses visiteurs l'idée de la diversité et de la richesse des cultures créées par l'homme... »
Entre ces deux événements, de portées fort différentes, nous pouvons constater que d'un côté des Pyrénées on a parfois des idées, mais rarement la volonté de les voir aboutir, tandis que de l'autre, sans déclarations péremptoires, des peuples, au sein d'un espace porteur de mythes et d'images fortes, sait mettre en valeur sa diversité et réaliser les projets les plus ambitieux : régionalisation, décentralisation à l'intérieur, affirmation de l'identité nationale et ouverture sur le monde vers l'extérieur.
D'un côté des Pyrénées nous nous abandonnons aux charmes frelatés d'un spectacle qui ira, sans enthousiasme, se répétant sans originalité, de l'autre cinquante sept mille spectacles différents auront été créés pour le seul temps d'une éphémère exposition dont on saura se souvenir.


Mickey-Roi

Après la Californie, la Floride, le Japon, Disney s'installe en Europe, au milieu de deux mille hectares des meilleures terres à blé de la Brie, «acquis au prix de la lande inculte ».
Pour un coût d'installation supérieur a vingt-deux milliards de francs à charge de la collectivité, l'État français et Disney ont signé une convention qui offre à Mickey un empire sur lequel le soleil ne se couche pas. On a les velléités impérialistes que l'on peut !
Si Disney a choisi d'installer un clone de Disneyland à Marne la Vallée ce n'est, que l'on se rassure, pas par pure philanthropie, mais parce que, à deux pas de Paris, cœur de l'Europe, cette juteuse opération commerciale est au centre d'un bassin de population situé pour quarante millions à moins de deux heures de voitures, et pour les trois cent vingt millions qui composent le deuxième cercle à moins de deux heures d'avion. La culture « made in U.S.A.» n'a pas la profondeur de la culture européenne, mais elle rapporte. Elle ...
Ce n'est donc pas de la francophilie subite, mais du calcul car ces populations représentent un potentiel de onze millions de visiteurs par an. Pourquoi viendraient-ils ici, pour la simple raison qu'ils sont déjà plus de vingt millions par an à visiter Paris et les trésors culturels de l’Ile de France !
C'était donc une aubaine, et l'ébauche de création d'un parc espagnol qui n'aurait accueilli ses hôtes qu'en période estivale a permis aux « acteurs culturels» français de mieux se laisser prendre au jeu de leurs « partenaires».
Tout a été conçu dans cette affaire, coûteuse pour les uns, juteuse pour les autres, pour que moyennant deux cent vingt cinq francs par personne, le gogo puisse assister «comme à la T.V.» à sa propre acculturation : de Michel Jaqueusson aux restaurants très U.S., tout est en place pour que la fête soit totale ... Car la magie, pour les américains, c'est de gagner beaucoup d'argent. Les porteurs d'actions Euro Disney sauront être enchantés de leur investissement.

Business oblige, spectateur ou non. Picsou veille, Mickey Rule his World.

Betterave pour Alain Genestar

Habituellement nous réservons nos betteraves à ce qui se produit chez nous, en Normandie, mais le discours de certains « intellectuels », qui, de Tchernobyl en Timisoara, font et défont l'opinion et la morale, est tel que nous ne pouvons laisser ignorer le caractère totalitaire de leurs apriori.

La betterave de l'année est attribuée à Alain Genestar pour son éditorial publié dans le Journal du Dimanche du 12 avril 1992.

« Messieurs les intellectuels votre colère conforte les thèses xénophobes du Front National. Reprocher à l'Amérique d'envahir la France c'est inciter à la fermeture des frontières. C'est dire non à tout ce qui vient d'ailleurs. Et au nom de quoi ? (...) Au nom de notre culture « nationale », le vilain adjectif, anti culturel. La culture est le résultat d'un brassage de toutes les cultures.
Les États Unis sont impérialistes, leur puissance écrase tout, Euro Disney est un Tchernobyl culturel ? Si Bécassine n'a pas le succès de Minnie on peut se consoler avec (...) nos « produits » modernes d'exportation culturelle. Euro Disney est fantastique, plus beau, plus grand, plus magique qu'Astérix. Pourquoi s'en priver.
Mickey n'est pas Américain, Tintin n'est pas Belge, Molière n'est pas Français, Shakespeare n'est pas Anglais, ils sont universels.
Partout sur la terre, les enfants de toutes les couleurs apprennent à l'école « Tartuffe » et le « Roi Lear ».

n.d.l.r. «RUNES» n'a aucun grief contre Bécassine, quoiqu'on puisse reprocher à sa prétendue niaiserie d'avoir enflé la tête des parisiens, quand à Astérix, le pauvre n'a obtenu aucun sesterce de l'État « gaulois » pour construire les accès routiers de son Parc.
On mesure le professionnalisme et l'impartialité du journalisme contemporain avec ce poulet qui masque mal l'origine de son odeur puisque dans le même numéro du « Journal du Dimanche » une pleine page de publicité permettait à Disney and C° de remercier « tous ceux qui ont rendu possible l'impossible ».

Vous avez dit culture ?

Mickaël Eisner, président de Walt Disney C°, déclarait lors de l'inauguration de l'Euro Disney Ressort que ce n'était pas « l'Amérique et sa culture qui venaient à la conquête de l'Europe, de la France. Les thèmes de Walt Disney sont très forts et universels. Blanche Neige est Allemande. Peter Pan Anglais. Pinocchio Italien. Cendrillon et la Belle au Bois Dormant Françaises. »
Le rapport est tout autre lorsque l'on compare les contes originaux avec !a copie béate que l'on nous en renvoie. Deux sources écrites se côtoient aujourd'hui, Perrault et Grimm font que Blanche Neige, Cendrillon et la Belle au Bois Dormant ne sont ni françaises, ni allemandes, mais européennes. Savoir quels sont leurs âges relèverait de la gageure : deux écoles, pour le moins, s'efforcent de résoudre la question, la première rattache ces histoires aux contes de la Mère l'Oye et renvoie toute origine bien avant les balbutiements de notre histoire européenne, faisant de ces amusettes des transpositions des cycles jour/nuit, semaines, saisons. La seconde prend en compte le fait que la plupart des contes recueillis par les frères Grimm l'ont été auprès de gens du peuple : paysans, artisans, servantes. Dans la préface au second volume de leur recueil, les frères Grimm déclarent qu'il y a de bonnes raisons de penser que de nombreux contes populaires, renvoient à l'ancienne mythologie. Le thème de Cendrillon est apparenté à l'histoire de Gudrun, la Belle au Bois Dormant à la délivrance de Brunhilde où les fileuses incarnent les Nomes.

Si les enfants entendent les contes dans le cercle de famille, ils n'en sont pas pour autant les destinataires privilégiés. Produit d'un fond culturel transmis par voie orale pendant des générations, le conte populaire va bien au-delà du simple divertissement. Il sert de modèle et le « Il était une fois ... » équivaut à un jadis qui sait être toujours.
Après avoir subi les critiques !es plus sévères depuis le XVIIème siècle, puis une implacable asepsie au XIXème, le vieux fond mythologique européen se voit confronté au business system de rats en mal de fromage. Et lorsque l'on sait ce qu'ils osent appeler fromage... Ce serait oser comparer le meilleur de nos productions locales avec de la crème de gruyère !

Jean HALOT

Le nouvel ordre mondial règne dans les parcs Disney

La France manquerait d'idées, et pourtant elles n'ont pas toujours fait défaut chez les responsables d'État puisqu'avant que la France ne transforme son président en grenouille, un projet culturel entendait remplacer la « gestion » par le « politique » en souhaitant que l'on s'oppose à toute vision mondialiste et à l'universalisme occidental dans les rapports culturels (rapport Thibau). Dans le droit fil du discours de Mexico on insistait encore sur la menace de l'homogénéisation culturelle dont les américains étaient tenus pour responsables, on insistait tout autant sur les méfaits de la culture de masse en rappelant que les fortes appartenances nationales, régionales et locales n'étaient en rien une entrave aux relations culturelles internationales.
Une culture n'est vivante que si elle donne lieu à une civilisation en compétition dynamique avec d'autres civilisations. Ce pari « Espagnol » tant annoncé à Mexico par l'immuable ministre de la Culture n'aura été qu'une vaine promesse rendue irréalisable par l'absence de toute promotion étatique cohérente. La seule politique digne de ce nom porte sur la seule conservation du patrimoine, chose louable en soit, mais peu dynamique au demeurant : ravalement et promotion immobilière semblent être les deux axes prioritaires de la politique culturelle hexagonale et en fait de ministre c'est un gérant de S.C.I. qui est chargé de veiller à la qualité de notre image de marque.
En matière de création, la plupart des artistes, et même les plus talentueux, ne cherche plus à donner un « sens » à leur œuvre. Les « écoles » sont devenues des groupes de sensibilité floue. Comment dans de pareilles conditions produire pour une cause, un peuple, une idée ou une civilisation, puisque ces idées, sinon les mots, sont suspects, bannis ? Comment trouver les moyens d'enraciner à quoique ce soit la culture lorsque le modèle dominant prône sa division en vois secteurs normalisés : la culture de « masse », la culture élitaire et la culture dite « classique » qui codifie la tradition, rationalise la mémoire collective, gère le passé, là où elle avait une fonction de création et de renouvellement qui prend dans la civilisation occidentale un rôle de conservatoire statique. La seconde comme son nom l'indique, ne vise qu’à marquer une discrimination sociale en rendant incompréhensible sa représentation à l'entendement populaire. La culture de « masse », enfin, dont le rôle se planétarise de plus en plus, se caractérise par l'économisme et le cosmopolitisme : comment ne pas rapprocher Blanche Neige chez les Japonais de… « Nos ancêtres les Gaulois » enseignés hors de leur contexte hexagonal ? Cette neutralisation de la culture dans l'économie amène à toujours plus de technique pour plus de sensationnel, la culture perd ainsi de sa charge émotionnelle.
Il n'existe plus d'osmose entre le politique et le culturel, mais entre l'économique et le culturel, ce dernier étant conçu comme un loisir quantifiable et monnayable et non plus comme une manifestation d'un art de vivre. La culture ne doit plus être ressentie comme un héritage et se galvaude dans le spectaculaire. Le peuple, de créateur de culture, devient voyeur. L'État, gestionnaire de la culture, n'a plus de marge de manœuvre politique et son souci de bonne gestion le conduit à renforcer le système. Le juste souci d'indépendance économique aboutit à une abdication culturelle, l'État subit, comme le peuple, la logique mondiale d'un type d'économie de marché. Le nouvel ordre économique mondial utilise les cultures nationales, les patrimoines pour les détourner de leur sens, en les transformant en marchandises de bas de gamme. Le poids de cette culture marchande rend d'autant plus inopérants les contre feux institutionnels qu'ils sont envisages de façon sectorielle, limités à une définition étriquée de la culture, lorsque l'État ne se rend pas complice de brader le patrimoine sur les fonds baptismaux du secteur tertiaire, au lieu de le préserver et de l'accroitre.
La fonction économique de la culture est devenue dominante. L'État, pris au piège de l'économisme par son souci de paraître responsable, s'interdit d'imposer « non démocratiquement » un choix de culture. Argument fallacieux qui reproduit et aggrave les différences de classes. Hier, pour un même ensemble occidental, il y avait des cultures bourgeoises, esthétiques, ou ouvrières qui cohabitaient ou se mélangeaient selon les traditions locales, créant génération après génération une culture populaire. Aujourd’hui, isolé devant son téléviseur, le petit fils de paysans, fils de chômeurs citadins, déraciné, futur délinquant est plus familiarisé avec les mœurs des kangourous que celles du daim ou du lapin, en connait plus sur les coutumes des pays lointains que sur celles de sa propre famille. L'espace culturel européen lui devient incompréhensible s'il n'est pas teinté de vernis américain. Triste résultat du plébiscite « par le goût du public » qui n'y comprenant plus rien, laisse dire les spécialistes de la publicité.

Le sens ethnique, géographique, historique des cultures est subverti, elles ne parlent plus, elles sont condamnées à ne survivre que dans de lointains musées. La logique d'exploitation économique déconsidère les codes culturels qui enserraient la vie sociale, exproprie la culture en la théâtralisant. Les patrimoines sont bien là, mais ils sont morts. Ils pourraient encore vivre s'ils étaient enseignés dans les écoles, les universités ... Mais leur usage, leur connaissance sont mis au ban de la société bien pensante, car ils « enracinent » la pensée, maintiennent des réflexes non rentables, voire destructeurs pour une société de consommation.
François DELAUNAY

Les français boudent Mickey

Les responsables d'Euro Disney, qui observaient un silence total, après sept semaines d'exploitation du parc imposé à Marne la Vallée, ont voulu montrer leur désarroi devant l'accueil plutôt tiède que les populations d'ile de France ont réservé à cette nouvelle universalité que tant de pays peuvent nous envier.

En fait la fréquentation du Parc a été plus qu'honorable, puisqu'en cinquante jours, plus d'un million et demi de personnes ont versé leur offrande sur l'autel du dieu souris, et le ressentiment vient plus de ce que ce sont surtout des extérieurs à la région qui ont fait la majeure partie de la fréquentation. Si l'on projette linéairement le chiffre de trente mille personnes par jour que représente ce premier bilan d'exploitation, le cap des onze millions est quasiment assuré d'être atteint pour la première année. Ceci sans tenir compte des hausses de fréquentation qu'occasionneront les flux touristiques des mois de juillet et août.

Pour le coup, le deuxième parc, qui devait ouvrir ses portes en 1995, devient moins réalisable, selon M. Fitzpatrick – P.D.G. d'Euro Disney – représentant les intérêts américains dans ce business qui ne leur a rien coûté.
Au-delà de cet avis, il est peut-être temps de tirer les premiers enseignements de cette opération qui, si elle ne comble pas les aspirations hautement « humanitaires » de nos trop « chers amis américains », a coûté, il est vrai, beaucoup d'investissements, mais hypothèque plus encore notre image culturelle, puisque après avoir maintenu que la France devait être, francophonie oblige, le phare de la résistance à l'impérialisme U.S., nos dirigeants, toutes classes politiques confondues, ont adhéré avec un enthousiasme qui n'égalait que leur renoncement. L'atmosphère de liesse qui a accompagné cette défaite culturelle, mais aussi politique et sociale, montre la crédibilité que l'on peut encore accorder à leurs professions de foi. Cette trahison du parisianisme mondain, assis sur sa suffisance abstraite et mondialisante, était écrite dans la logique des choses. Mais la rapidité du passage d'un anti-américanisme de salon à ce philo-libertarisme de bon ton, qui condamne la pauvreté comme une tare que l'on soigne aujourd'hui avec condescendance et que demain on condamnera comme un vice, est l'aveu d'un changement profond de société. Le Centralisme qu'ont subi les provinces de France, a créé un désert culturel, social et économique, et ne trouvant plus d'énergies populaires pour assurer sa survie s'est trouve acculé dans cette situation où il lui fallait choisir les modalités de son élargissement : d'un côté le cercle de la francophonie, voie étroite et difficile n'a pas trouvé d'écho chez les champions des causes hasardeuses, de l'autre l'adoption d'un standard préfabriqué d'autan plus facile à adopter qu'il est faible dans son contenu. C'est donc un échec complet né du refus de se confronter à l'adversité parce que l'alternance politique offrait une situation nouvelle où il était impératif de paraître fréquentables.

Fiasco financier, puisque les patrons de Mickey ont réussi l'admirable tour de force d'un financement qui ne les engage à rien ni sur le plus petit dollar.

Fiasco intellectuel, toute l'in-intelligentsia de France a oublié d'être à la mesure de sa tradition de générosité : toujours à la traîne d'une révolution culturelle, elle a montré la petitesse de ses limites et condamné à l'exil intérieur ceux qu'elle adulait pour la portée politique de leur art.

Fiasco culturel, après avoir mené la plus formidable des aventures avec les non alignés pendant vingt ans au sein de la francophonie, nous abandonnons nos modes de pensée pour adopter les signes extérieurs du mode de vie américain…

Fiasco social enfin, puisque nous avons gelé, pour le bon plaisir des maitres de l'Uruguay Round, 2 000 hectares des meilleures terres céréalières de France, et que nous acceptons, en outre, qu'une entreprise qui nous doit tout, jouisse d'un statut d'extra-sociabilité qui la mette à l'abri des lois sociales françaises sur le droit du travail.

Nous avons permis que la « première » région de France détourne les investissements publics pour satisfaire le seul intérêt privé d'un groupe étranger hostile. Nous avons aliéné notre image de marque en la subordonnant à de sordides intérêts économiques où tout un chacun est en droit de supposer, outre le coût de ces investissements sur le budget de l'État, car toute la France supporte cette opération, que nombre de « responsables politiques » a su récupérer quelques juteuses compensations.
Nous nous associons à tous ceux qui ont dénoncé cette pantalonnade, qu'ils aient qualifié de « contrebande culturelle » cette création « artistique », affublé le premier personnage de l'État du sobriquet « François Mickeyrand » ou, de manière plus policée, parlé de « capitulation économique et culturelle »
O.D.I.N.-76

La France de Mickey

La création d'un parc d'attractions à la mode américaine est un événement qui est vécu comme une déroute culturelle par certains intellectuels français et francophones. Mais Mickey a été accueilli par une majorité de professionnels du tourisme comme la confirmation de la place occupée par la France comme première destination touristique mondiale avec cinquante deux millions de visiteurs en 1991.
La stratégie de la Disney C° a été de récupérer le pouvoir d'attraction de Paris et de l'Ile de France qui ont reçu en 1990 quelques vingt et un millions de touristes. Le marché existait déjà, il suffisait de venir s'y greffer pour en tirer de juteuses retombées.
Sans médiatisation la meilleure des recettes n'a aucune chance d'aboutir sur les tables. L'un des aspects les moins remarqués, et pourtant le plus évident sans nul doute, aura été la formidable campagne de promotion publicitaire dont l'opération aura bénéficié ; une chaine de télévision française a assuré en totalité la diffusion mondiale de l'inauguration d'Euro Disney.
On sait que depuis belle lurette les médias volent au secours du succès potentiel, histoire de ne pas avoir un métro de retard sur l'événement, mais on peut se demander, après une telle Bérézina, comment le Jack Lang du discours de Mexico a pu survivre ?
La vérité est que nous ne sommes pas menacés par ce que l'Amérique peut avoir de positif, Hemingway, Faulkner, Steinbeck ou Dos Passos ... Mais ce que nous récupérons de la production « culturelle » américaine est détestable pour ce qu'elle véhicule comme contre-valeurs. Le monopole des principes est nuisible à la vie et au destin des peuples. Ce qui est bon généralement en Europe, ne le sera plus tout à fait en Irlande ou en Ukraine, et ne le sera plus du tout sous des latitudes exotiques tant les cultures sont particulières : les essais d'agriculture « à l'occidentale » sur des sols autres ont déjà apporté suffisamment la preuve que la méthode utilisée fructueusement ici est désastreuse là. Il semble en être de même pour les communautés humaines. Déjà à l'intérieur de la C.E.E. ...
L'universalité des produits américains est liée à ce qu'ils sont immédiatement consommables partout, parce qu'ils ne renvoient à rien de particulier, à aucun peuple, à aucune nation, à aucune histoire, à aucune culture. Cette fédération d'individus est fade jusqu'à l'écœurement, et cette fadeur est rendue communicative par la représentation que nous nous en faisons. L'« american way of life » n'est que la transposition marchande du bonheur scientifique que l'on a tenté de bâtir pendant trois générations dans des pays qui ne veulent qu'oublier l'expérience dont ils sortent à grand peine. La manifestation de ces deux systèmes apparemment antagonistes, se rejoint dans l'expression picturale de leurs aspirations et il est surprenant que personne ne se soit intéressé à rapprocher les affiches de publicité vantant les « blue jean's », standard américain, de celles éditées en Chine populaire et pompeusement baptisées « Réalisme Socialiste ».

Après la chute des murs idéologiques « honteux » allons-nous enfin nous décider à abattre ceux que l'on ne nous a pas dit de regarder ? Raoul Vanegueim posait qu'entre l'Est et l'Ouest tout se passe comme si d'un coté la récompense du comportement idéologique s'accompagnait d'un litre de vodka tandis que de l'autre avec un litre de whisky on affirmait son adhésion au système. Avons-nous les moyens de laisser l'équation à. demi résolue ?
La puissance des uns n'est jamais nourrie que de la faiblesse des autres et l'Europe mineure des années zéro n'aura guère eu de mal à se trouver des tuteurs ; grand frère pour les uns, ami pour les autres ... Chacun sait que si l'on ne choisit pas sa famille, les amis peuvent devenir envahissants.
Le problème de l'américanisation n'est pas un problème américain, mais celui de ceux qui adoptent leur mode de vie. C'est donc une guerre intérieure que nous avons commencé de perdre.
Pour qu'un modèle s'impose, il faut que rien ne s'oppose. L'absence du sens critique a commencé par les campagnes de discrimination anti européennes. Dénonciation d'une société de vieux, de valeurs archaïques, condamnation de tout ce qui pouvait donner un repère à une pensée enracinée.
En 1982, cinquante et un pour cent des français avaient une mauvaise opinion des américains, vingt-sept pour cent en 1985, combien en reste-t-il aujourd'hui ?
La digestion d’un modèle est lente, seule la prise de conscience est brutale. La culture américaine idéalisé est vécue, pratiquée, admirée par tous dans l'enthousiasme et la ferveur.
Du Rock’n’roll au Blue jean's des années soixante-huit. la condamnation des États-Unis d'Amérique n'est qu'une mauvaise transposition du mouvement protestataire des jeunes américain:.. Aucune originalité, juste une pâle copie, et passées les guerres impérialistes, nous avons communié aux guerres saintes hyper médiatisées en moins d'une génération. Le temps d'un abandon aux sirènes du libéralisme sauvage. L'ère de l'amnésie qui nous frappe n'est que la triste conséquence de cette période d'acculturation où la prise en charge des problèmes intérieurs des États Unis d'Amérique rendait l'Europe schizophrène. De cette époque nous avons hérité du sens de la facilité, du goût de la vitesse, de la perte du sens de l'effort. Consommer est devenu plus agréable que produire, que ce soit de la culture ou des lave-linge. Cette attitude passive, végétative, se généralise à tous les domaines.
La fin de l'Histoire tant racontée dans les médias, après les « événements du Golfe », annonce plus la nouvelle ère économiste que la fin de l'Empire soviétique. Cette révélation signifie la fin de nos sociétés, l'idéal étant de nous auto-conditionner a être spectateurs de notre destin, faire « qu’il n'y ait pas de différence entre les enfants et les adultes ».
L'individualisme frileux remplace les valeurs collectives auxquelles il est interdit de croire. C'est peut-être là que réside le mythe ultime de Mickey : un pays où tout est possible, où la liberté individuelle n'a pas de limites, où tout le monde est beau, gentil. policé...
Jean François Bollens

un Disneyland de cauchemar : la C.E.E.


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♦ Jacques Delors, grand comique mondialement connu. Allez lui serrer la main, il est quelque part dans le parc et écoutez-le raconter ses idées loufoques !
♦ Le train de la grande débrouille : il suffit d'attraper le train en route et de se sucrer au passage.
♦ Le Lac de Vin: le plus grand lac artificiel du monde, débordant jusqu'à plus soif de tous les vins d'Europe.
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Magic Disney ?

S'implanter en Europe peut encore paraître aux yeux de certains une affaire difficile. Beaucoup moins que créer sa propre entreprise en Normandie ou dans une campagne retirée d'Irlande, d'Écosse ou ailleurs, lorsque, précisément, on est Normand, Irlandais, Écossais ou d'ailleurs ...

Outre ses trois cent trente sept millions d'Européens convertis en un marché potentiel de onze millions de visiteurs par an, Disney a généreusement bénéficié grâce au soutient bienveillant de nos gouvernants :

– de structures :
. l'autoroute A4 qui met le Parc Euro Disney à moins d'une demi heure de Paris.
. les aéroports de ROISSY et ORLY distants, respectivement, de trente six et quarante six kilomètres.
. une desserte du Réseau Express Régional estimé à un milliard de francs.
. l'arrivée du Train à Grande Vitesse devant ses portes, ce qui permet de rejoindre le complexe en une heure quinze minutes de Bruxelles, trois heures de Marseille, trois heures trente huit minutes de Bordeaux et trois heures un quart de Londres lorsque le tunnel sous la Manche sera terminé.

– de garanties :
. extension du complexe jusqu'en 2017.
. création d'un deuxième parc a thèmes en 1994.
. création d'un troisième parc en 2000.

– d'investissements:
. quarante milliards non garantis par Walt Disney C°
. d'un site de deux mille hectares de terres à blé prises sur les meilleures d'Europe, soit le cinquième de la surface de Paris.

Beau prince Mickey admet qu'un roulement de personnel de trente pour cent par an affectera son entreprise, conscient des difficultés qu'entraîneront les conditions de travail et les salaires. Mais rien sur les soixante mille emplois devenus par enchantement douze mille, soit un investissement moyen de deux millions de francs par emploi créé. En matière sociale, aussi on peut se demander si nos décideurs on bien une tête sur les épaules ou des courants d'air venus du portefeuille jusqu'entre les oreilles.
Marc LESALlEN

Lyon, capitale des Gaules ?

Que pesait jadis Lutèce face à Lyon ? Lutèce était, aux temps celtiques, une île fortifiée, et à l'époque gallo-romaine, une ville commerçante. Lugdunum est plus difficile à cerner, par le débat sur son importance démographique, politique ou économique, Par exemple, des spécialistes s'affrontent quant à savoir si Lyon était en Celtique ou en Narbonnaise. Toujours est-il qu'en 13 B.C. la Gaule est divisée en trois provinces, et Lyon devient la capitale des « Trois Gaules ». L'axe Séquano-rhodanien fut le plus tôt christianisé, puisque le plus romanisé. La ville qui vit naître Claude est aussi celle de la martyrologie catholique. Après les effondrements politiques successifs (chute de l'Empire Romain d'Occident, chute de l'Empire carolingien), la « France » a gardé son titre de « fille aînée de l'Église » et l'archevêque de Lyon celui de primat des Gaules. En effet, la seule institution française qui n'ait subi d'interruption depuis l'é poque gallo-romaine, c'est l'Église. Ainsi Lyon est la capitale religieuse de la France.

Mais c'est tout. L'héritière de Lutèce. Paris, est toute puissante. Comme Lyon, confluent de la Saône et du Rhône, Paris est au cœur d'une zone stratégique. Au centre du bassin parisien, au bord du fleuve le plus navigable, au milieu des meilleures terres, à l'endroit où se déversent et se mélangent les richesses et les hommes de toute l'Europe occidentale. Il est alors compréhensible que dans une Gaule du Nord bouleversée par les invasions, elle devienne la capitale du Regnum Francorum de Clovis et de ses descendants.

Nous ne parlerons pas ici de la mafia des marchands d'eaux de Paris, pas plus que de la félonie des parisiens face au pouvoir en place (Guerres de Cent ans, Guerres de Religion, « Révolution » française). Interrogeons nous plutôt sur le bonheur du choix de Paris comme siège du pouvoir central. Paris s'est accru, tant politiquement, que démographiquement et économiquement : c'est l'hégémonie parisienne favorisée par un État hyper-centralisé. De cinq cent cinquante mille parisiens et un million trois cent cinquante mille franciliens sous le Consulat, Paris a enflé, aspirant les hommes, engloutissant les provinciaux, puis les étrangers. De source officielle. Paris comptait deux millions cinquante quatre mille cent soixante dix huit habitants et l'Ile de France plus de dix millions en 1986. La France compte cinquante six millions d'habitants. Carrefour de déracinés, centre de brassage – depuis toujours – Paris attire, Paris aspire, Paris se gorge.

Mais Paris et sa région ne représentent que 2,2% du territoire « national » pour vingt pour cent (au moins !) de la population. Il y a là, à Paris et dans sa banlieue, mais aussi dans la Brie, l'Étampois, le Gâtinais, le Mantois et le Vexin (Normand ?) une concentration de population gigantesque. Il faut la loger. L'Ile de France se hérisse de cités, de lotissements, de zones. Lorsque l'on s'aperçoit des disparités économiques de l'Ile de France, on décide d'aider les gens à se déplacer et on conçoit des réseaux ferrés ou routiers qui quadrillent le paysage. Parfois, le pouvoir central, à Paris, semble s'émouvoir de ce gouffre que constitue la capitale. Il décrète alors des mesures décentralisatrices pour inciter les franciliens â travailler en province … et de nombreux provinciaux, rouennais ou lyonnais, se déplacent quotidiennement vers Paris.

Cet entassement urbain serait cocasse si cette urbanisation anarchique ne se faisait sur les meilleures terres de France. Des terroirs riches, comme la Brie, se sont couverts d'habitations, d'autoroutes.

Cette vérité est déjà révélatrice d'un manque d'organisation et de prises de responsabilité typiquement français. Les problèmes sont toujours éludés, voire masqués, rarement abordés avec franchise.

Ainsi, les meilleures terres sont gaspillées, polluées. Notre propos n'est pas de dresser un catalogue des inepties franciliennes. Mais alors que beaucoup d'entre nous prennent conscience de l'utopie centralisatrice des conservateurs français, les quelques terroirs jusqu'ici sauvegardés sont bétonnés. C'est le cas de Marne la Vallée, où l'immobilier flambe, et où des larrons veulent convertir les moutons que nous sommes (!) à la grand'messe d'Eure Disney.

POURQUOI ?

Si Lyon était capitale de la France (1), les terres grasses du Bassin parisien n'auraient pas été massacrées. Tout au plus Grenoble et Saint-Étienne seraient dans la banlieue, des terres ingrates (sauf pour le vin !) sacrifiées à l'Urbs. Nous, Normands, aurions mieux conservé nos particularismes. Qui sait ? L'Angleterre serait peut-être encore à nous !
Lev Efellergis
(1) D'ailleurs la France ne s'appellerait pas France.