On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



mardi

Des Celtes en général aux Irlandais en particulier

Il y a trois mille six cents ans, se forme en Allemagne du Sud un peuplement protoceltique dont le rameau « goïdélique » commence à envahir la Grande-Bretagne. Les origines de ces Celtes demeurent obscures. Deux faits permettent de fixer le berceau de cette civilisation en Europe centrale et occidentale : l’existence de la Loraine jusqu’en Bohème de très anciens toponymes d’origine celtique pour désigner les montagnes et les rivières, la continuité manifeste dans les rites funéraires, les divers aspects de la civilisation matérielle et dans les types anthropologiques dont les composantes essentielles sont les races nordiques, alpine et dinarique.
Les recherches linguistiques nous apprennent que le groupe goïdélique, auquel se rattachent les Irlandais, présente des archaïsmes prononcés qui font supposer que c’est aux origines du peuplement protoceltique que les Goïdels ont été séparés des Celtes continentaux.
On sait peu de choses de l’Irlande protohistorique, sinon qu’une civilisation à la tradition artisanale réputée jusqu’en l’actuel Danemark fournit les bases de l’essor de l’art irlandais voici deux mille six cents ans, avant que les Goïdels importent la civilisation de la Tène, assurant leur domination grâce à la maîtrise du fer. L’histoire de cette implantation est mal connue, mais on sait quelle fut l’organisation sociale et politique mise en place, puisqu’elle subsista tant que l’Irlande resta à l’écart des grands mouvements de l’histoire. Cette société très divisée, politiquement, en petits États d’environ trois mille hommes armés, et fortement hiérarchisée entre ses rois, ses druides, ses bardes, ses hommes – libres ou non – et ses esclaves, permettait de s’élever selon ses mérites, suivant le principe « Is ferr fer a chinind » (un homme vaut mieux que se naissance), admettait qu’un homme puisse être fidèle à son roi autant qu’à son clan.
De tuath (royaume) à tuath, de clan à clan, ce n’étaient que guerres et coups de main dont l’enjeu principal était le bétail, de là les innombrables récits que l’on retrouve dans la littérature irlandaise ancienne. Les tuath se regroupant, au début de l’ère chrétienne l’Irlande était divisée en cinq royaumes principaux, l’Ulster, le Nord et le South Leinster, le Munster et le Connaught ; division qui prévalu pendant tout le moyen-âge et dont les rivalités ne sont connues que d’après les sources littéraires le plus souvent légendaires. Au troisième siècle, le tuath de Connaught occupa le North Leinster puis l’Ulster, sous l’autorité de Niall des-neuf-otages, du clan O’Neill, qui instaura le principe de roi supérieur de l’Île qui valu jusqu’en 1002.
Dès le milieu du troisième siècle, les Irlandais (Scotti) se livrèrent à de nombreuses pirateries sur les côtes britanniques et étendirent leur domination sur le Pays de Galles et l’ouest de l’Écosse. Au neuvième siècle leurs descendants devinrent rois d’Écosse.
Ces raids irlandais sortirent l’Irlande d’un isolement de près de dix siècles en la mettant au contact avec la civilisation de Rome, ce qui entraîna sa christianisation et un extraordinaire essor de la vie monastique.
Jusqu’aux invasions Normandes, au début du neuvième siècle, le développement du christianisme, qui se mêla à de vieilles traditions celtiques, constitua l’essentiel de l’histoire du pays. Mais l’adoption du christianisme ne s’étant pas accompagnée de l’adoption de l’organisation politique latine, l’Irlande resta pendant cette période le théâtre de luttes intestines.
Les Angles et les Saxons avaient épargné l’Irlande, les vikings ne l’épargnèrent pas.
En 795 ils fondirent sur la colonie monastique d’Iona, célèbre dans tout le monde occidental. Ils y revinrent en 801 ; en 806, après une troisième attaque, l’abbé Cellach quitta l’île avec les survivants pour Downpatrick et Kells. Les vikings avaient sur les Irlandais la supériorité de l’armement, ne énergie farouche, la connaissance des mers. Encouragés par l’absence de réaction de leurs victimes, et par la richesse du butin, ils multiplièrent leurs attaques sur toutes les côtes. En 830, Torgeist saccagea Armagh, en 837 il amena soixante-cinq navires dans la baie de l’eau noire : Dubh Linn.
À partir de 841, les vikings commencèrent à construire des forts près de la Dublin, à l’embouchure de la Liffey ; Waterford, à l’embouchure de la Suir ; Cork, près de l’embouchure de la Lee ; Limerick, près de l’embouchure du Shannon. Avec ces nouveaux hommes, une nouvelle langue et un nouveau mode de civilisation s’installait en Irlande. Malgré le danger, non seulement les Gaëls ne s’unirent pas contre l’envahisseur mais certains d’entre eux s’allièrent à lui par des mariages.
En 976, le royaume de Munster tombe entre les mains d’un Gaël ambitieux et énergique : Brian Boru. En 1002, il usurpa sur les O’Neill la dignité de roi suprême ; en 1014, il vainquit à Clontarf, sur la rive nord de la baie de Dublin, une coalition de vikings et d’Irlandais du Leinster. Cette victoire, acquise au prix de sa vie, devait devenir, pour les Irlandais, symbole d’unité nationale et d’indépendance. La réalité était beaucoup plus complexe. L’Irlande gaëlique n’avait pas été unanime derrière Brian Boru. Les vikings installés en Irlande restèrent : l’armée victorieuse ne put prendre Dublin ; les autres villes, indépendantes ou soumises, Wicklow – dont le nom signifie baie des vikings – Wexford, Waterford, Cork, Limerick, restèrent profondément scandinaves d’esprit.
L’Irlande offrit au Normands un nouveau champ d’expansion ; il semble pourtant qu’ils ne vinrent qu’à l’appel d’un roi Irlandais : Dermot Mac Murrough, décédé en 1171. Dans les années qui suivirent, les Normands assurèrent leur domination sur la presque totalité de l’île. Dans la seconde moitié du treizième siècle, on assista à un phénomène connu dans les autres territoires administrés par les Normands, leur assimilation aux coutumes du pays qui les avait conquis.
Francois Delaunay

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