On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



vendredi

RUNES, Hiver 1991-92


Éditorial


... de Jean NAPOLEON

« Normands jusqu'à l'absurde »

La réunification de l'Allemagne, en train de s'accomplir et qui était inscrite dans le droit fil de l'Histoire, ou, si l'on préfère, dans le cours inéluctable des choses, m'a fait irrésistiblement penser à celle de la Normandie, qui, elle, attend toujours sa réalisation en dépit de l'évidente nécessité économique, politique et historique.

Les Allemands de l'Ouest et de l'Est disaient couramment, quand il y avait deux Allemagne : « Un seul peuple, deux États ». Nous pourrions dire à propos de notre patrie Normande : « Une seule province, deux régions ».

Les lecteurs habituels de cette revue, membres ou sympathisants de la Société Alfred Rossel, savent bien que, pour respecter leurs opinions politiques, philosophiques ou spirituelles, nous n'avons jamais publiquement pris parti pour telle ou telle thèse ou doctrine susceptible de nous diviser et que notre association ne prend jamais part à une manifestation de caractère politique.
Qu'il me soit néanmoins permis, sans choquer qui que ce soit et sans faillir à nos statuts, de proclamer notre « normandité » (le mot est de L. Sédar Senghor) et notre amour du pays qui nous a donné le jour, qui est celui de nos parents, ou que nous avons adopté pour nôtre.
Ne partageant pas l'outrance de Louis Beuve qui se voulait Normand avant d'être Français je ne saurais renier ma fierté d'être Français... en même temps que Normand. Il n'y a ni incompatibilité ni choix à faire. Par contre, je serais enclin à faire mienne l'affirmation d'Émile de La Bédollière selon laquelle « la Normandie est une Nation » si l'on donne à ce mot le sens de communauté humaine caractérisée par la conscience de son identité historique et culturelle. Oui, l'identité Normande existe, du Pays de Caux à l'Avranchin et de Cherbourg à Alençon. Elle n'est pas seulement dans les cœurs et les esprits. Elle est inscrite dans les mœurs et souvent sur le sol et contre cela le pragmatisme des politiques sera toujours inefficace. Elle découle de l'Histoire et cette identité Normande pourrait bien s'appeler « Unité ».
La personnalité Normande a été bâtie et façonnée par les Ducs successeurs de Rollon. Solide comme nos cathédrales – mais n'en ayant peut-être pas toujours eu la fierté, hélas ! – elle a défié les siècles et les tempêtes révolutionnaires ou guerrières. C'est pourquoi je suis pleinement d'accord avec le Mouvement normand qui lutte pour que les deux régions Normandes n'en fassent plus qu'une. Mais, dans nos cœurs l'Unité n'a jamais cessé d'exister. Plut au ciel qu'un jour prochain, en dépit d'oppositions aux motifs pas toujours avouables, elle se réalise dans les faits.
Certains technocrates ou aménageurs du territoire osent parler de « Grand Ouest » ou « d'Arc Atlantique », dans lequel serait imbriqué la « Basse » Normandie alors que la « Haute », elle, serait associée à la Picardie ou au Bassin de Paris. Ce serait l'horreur, la négation du « fait » Normand, alors qu'il serait si simple et naturel de reconstituer une véritable région Normande.
Nous sommes peut-être, aux yeux de ces gens-là de doux rêveurs irréalistes. Qu'importent pour eux l'Histoire et les sentiments ! Ernest Renan, qui n'était pourtant pas normand n'a-t-il pas écrit : « Les hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du Passé » ?
Que ceux qui nous gouvernent s'inspirent de cela et qu'ils aillent dans le bon sens – celui de l'Histoire – afin que la Normandie profonde soit enfin une réalité : une Grande Normandie conforme à son passé comme â son destin...

« LE BOUES JAUN »
4ème série n°13 « SAINT DENIS » 1990

Hastings

Le 21 octobre, un petit noyau d'irréductibles s'était réuni à Rouen pour fêter le 925ème anniversaire de la bataille d'Hastings.

Bien plus que la conquête de la Grande Île, il convient de ne pas oublier que cet aboutissement est la conséquence d'une politique positive menée par notre Duc GUILLAUME qui sût, avec quel talent rétablir l'ordre dans sa Duché après une période de troubles violents durant sa minorité, mais aussi garantir ses frontières contre les multiples menaces dont faisaient l'objet ses domaines.
Que le souvenir des périodes fastes de notre histoire puisse servir d'exemple pour notre avenir.

Jean HALOT



HASTINGS

Si Hastings est une date prestigieuse pour l'histoire de la Normandie, il va sans dire qu'elle reste mémorable chez nos cousins d'Outre-Manche.

Nous ne résistons pas à donner la place à Mr R. Allen Brown sur ce sujet :
« Cette création (de la Duché de Normandie) fut celle d'un État, aux standards contemporains, la plus forte des principautés féodales, à l'intérieur desquelles la France, le royaume des Francs de l'Ouest, était alors divisée.
« Mais (la Normandie fut) aussi bouillonnante, unifiée, confiante et très consciente, dans les dernières décennies du onzième siècle, que le monde était « son huître ». À l'automne 1066, après avoir imposé leur suzeraineté ou leurs influences sur les contrés voisines du Maine et du Ponthieu, entièrement ou partiellement, sur celles de Bretagne et Boulogne, les Normands, ainsi que tout le monde les connaissait, avec leurs auxiliaires, avec leurs chevaliers et leurs montures, leurs archers et toute leur panoplie guerrière, naviguèrent pour conquérir le grand et lointain royaume d'Angleterre, au cours d'une de ces batailles décisives de l'histoire de l'Ouest ; ils combattirent près d’Hastings, un samedi 14 octobre. »
S'ensuit un long tableau, tout à l'honneur de nos ancêtres, ayant pour toile de fond l'univers connu des européens de l'an 1000, du Mur d'Adrien, au Sud de l’Écosse, jusqu’à la Principauté d'Antioche.
C'est avouer l'importance de cette Normandie « Conquérante » pour que son écho perdure encore.
Alors, Normands, n'y aurait-il plus que hors de Normandie que l'on sache chanter nos louanges ?

Jean-François BOLLENS

Betterave

Un triple ban pour la S.N.C.F. qui fait une campagne de promotion des Transports Express Régionaux (T.E.R.) et laisse croire, avec un manque de pudeur rarement consommé, que les T.E.R. Français sont comparables aux T.E.R. de province.

Alors que les lignes Normandes ne sont péniblement maintenues qu'avec les subventions des Conseils généraux... les lignes parisiennes bénéficient de tous les privilèges, et trouvent le moyen de s'en vanter !
Le « service public » ne manque pas de se T.E.R.

Les nains ça suffit !

Nous entendons souvent parler d'une France parisienne, centralisatrice, capitale autoritaire, au centre de régions en voie d'assimilation, d'uniformisation. C’est ainsi que l'on parle du peuple français. Comme si un Flamand était un Basque, ou, plus encore, un Francilien. La France gomme nos spécificités culturelles, ethniques, linguistiques ou religieuses. La dénonciation de cette France - là, c'est ce qui nous unit et nous -anime.

Mais il nous faut prendre garde. Beaucoup de jeunes Normands ont été éduqués dans le culte d'une communauté européenne. C'est un bel idéal. Nous avons pu rêver d'une Europe unie, chaudron dans lequel nous aurions versé les composants de notre future prospérité.
Hélas, cet idéal semble dévoyé. L'actuelle et future communauté entraîne notre perte.

Comment des États croupions comme le Luxembourg peuvent-ils avoir le même poids que la France ou l'Allemagne ? Comment se fait- il qu'un ministre luxembourgeois puisse ironiser sur les morts croates ?
Les petits caïds de la communauté dictent leur loi, inepte, alors que des régions plus puissantes, mais non souveraines, telles la Normandie, la Lombardie, ou la Saxe n'ont pas leur mot à dire.

Arrêtons la casse !
Bruxelles se comporte avec la C. E.E. comme avec un Empire. Les nains se sentent des velléités !
La politique européenne de Bruxelles est comparable à la politique jacobine de la France : même volonté d'uniformisation,
Un paysan du Schleswig-Holstein n'a rien de comparable avec un pâtre crétois ! *
A court terme, c'est la disparition du Bocage Normand, l'abattage du cheptel bovin au profit d'immenses champs de soja !

Laissez l'Europe aux spécialistes ! la centralisation, là encore, est catastrophique. Chaque région a ses traditions, ses produits. Les européens n'ont pas attendu les technocrates pour organiser leurs échanges économiques ou culturels.
Scénario catastrophe (mais réaliste) : le Maroilles est interdit. car il n'est pas conforme aux normes de goût de la C.E.E. .

A vos Yaourts !

Lev EFFELERGIS

* ou un banquier même luxembourgeois (n.d.l.r.)

Week-end en forêt de Brotonne

Les 16 et 17 novembre, Pierre Hensel – forestier notoire – a accueilli une dizaine de participants et leurs familles, pour une découverte « sur le terrain » de la forêt Normande.
Après une rapide présentation de la Forêt de Brotonne, une visite de différents sites permit d'illustrer les exposés que notre hôte commet mensuellement à Rouen. En fin de journée ; une discussion animée, autour de grillades et d'un pot amical, trouva son issue dans la définition d'un prochain numéro « Hors-série » de Runes, consacré à l'environnement, rural et forestier Normand.
Le lendemain nous conduisit sur les sites Gallo-romains de la Forêt de Brotonne : cimetière et villa furent l'objet d'une visite attentive. Un déjeuner « fin » prolongea la réunion jusqu'à l'heure de la séparation et nous nous promîmes un prochain rendez-vous.
Jean Halot

Betterave

Pour les Eurocrates qui avaient décidé de classer « hors-normes » européennes le ... Camembert au lait cru.

Ces nouvelles normes favorisaient l'éclosion d'un nouveau monopole où seules les grandes laiteries étaient capables de répondre aux nouvelles mesures d'asepsie. Au fait, le « camembert européen » aurait-il eu la même insipide saveur que les fades productions que le bon goût interdit d'appeler fromages ?

Curieuse façon de fêter le Bicentenaire d'une institution gastronomique, ou le centenaire de son appellation.

Napoléon III peut se rendormir,
Le coup passa si près ...

Histoire et mytologie

L’article auquel les lecteurs du numéro de Runes « États Baltes » ont échappé !

D'après Marija Gimbutas, les indo-européens arrivèrent en Europe vers le 4ème millénaire avant J.- C. et remplacèrent à l’ouest de l'Oural la civilisation de MARIOUPOL.

Cette confrontation entre finno-ougriens et proto-baltes, entre paysans ans et éleveurs, a du être une rencontre bouleversante entre deux manières de concevoir le monde. Les premiers vivant dans une société sans structure, auxquels on prête volontiers un culte collectif des morts, durent subir les assauts de nouveaux arrivants dont la vie sociale semble beaucoup plus élaborée : forte caste guerrière, panthéon hiérarchisé. Les proto-baltes, associés aux premiers indo-européens, développèrent la civilisation des tertres (KURGAN en russe) où étaient vénérées des divinités de troisième rang, les jumeaux ASVIN.

Des parallèles amusantes pourraient être tentées, le terrain s'y prête trop, mais nous nous garderons d'en tirer des conclusions définitives, car elles ne s'appuieraient que dé constats « archéologiques ».

Les Balles sont des agriculteurs dont l'histoire nous a laissé peu de traces. Le paganisme ayant longtemps résisté à la pénétration chrétienne nous savons néanmoins que ces anciens européens n’avaient pas construit de temples, mais pratiquaient des offrandes ou des sacrifices à des fins divinatoires ou offraient des banquets. Les « forets-mères » étaient sacrées et ils adoraient le feu sous la forme d'un culte en l'honneur du marteau qui forgea le soleil, l'arc en ciel était divin. Pour ceux qui se sont intéressé aux croyances des scandinaves avant le christianisme les ressemblances sont troublantes. Mais si l'on y ajoute que ces anciens baltes croyaient à la transmigration des âmes, ces dernières prenant partiellement la forme d'ours ou de loups, partiellement celle de dieux, que le Destin devait être vécu de façon active et non subie pour ne pas devoir en affronter les rigueurs, nous aurons, sous une forme simplifiée, retrouvé une parenté entre la foi des Baltes et celle des Scandinaves.

En rapprochant ces croyances assez rustiques de ce que nous savons des croyances des anciens scandinaves, nous pourrions déceler des tracés de la rencontre entre les Vannes, divinités anciennes et de second ordre chez les Scandinaves, et les Ases-Asvin plus à la ressemblance des aspirations indo-européennes, dont les Eddas nous rapportent le récit des affrontements avant que les divinités réorganisent leurs règles sociales, idéalisation des vécus du monde du milieu.
Sur ces bases, on révisera accessoirement l'opinion occidentale sur la présence des Hongrois en Europe. L'idée couramment admise présume que les Hongrois seraient les descendants des Huns dont le chef Attila a été trop longtemps dépeint comme un petit homme, fortement typé asiatique au teint « jaune » et aux cheveux noirs et huileux. L'appartenance du Hongrois aux langues finno-ougriennes récuse cet apriori et nous oblige à une révision de nos « connaissances » scolaires : Attila loin d'être un envahisseur serait un vieil européen qui défendait, à défaut d’un territoire toujours à reconquérir, son peuple contre des indo-européens. Le poème eddique mineur « La chanson du combat des Huns », décrit minutieusement le différent sur héritage entre un roi Got et un prince hunnique lequel regroupa « cinq tribus de cinq mille, composées de treize centuries de quatre cents personnes », soit 130000 personnes. Le premier témoignage de la poésie épique scandinave admet, malgré son issue, une revendication hunnique « légitime » sur les forets (sacrées), le tombeau des rois (lieu de culte national) et le centre de l’assemblée (alđing) dans les termes des symboles juridiques de la royauté telle qu'elle semblait admise à l’époque. Dans ce contexte Atlakvida pourrait prendre la correspondance symbolique d'un Vercingétorix ante-européen.

Et si, pour conclure, cette lecture assez libre de quelques données archéologiques et mythologiques, plus qu'une fantaisie, était un innocent clin d'œil que nous adressaient nos lointains ancêtres

François DELAUNAY.