On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



samedi

Régions à la coupe...

La décentralisation-régionalisation est vraiment le plus incroyable serpent de mer de la vie politique et administrative française. Depuis le célèbre « Paris et le désert français » que Jean-François Gravier publia dès 1947, la prise de conscience de cette question fondamentale a eu peu d'occasion de se concrétiser en prise de décision. Le serpent de mer grandit, nourri de toutes les fausses réformes et de tous les vrais atermoiements, du référendum avorté et détourné du général De Gaulle en avril 1969 aux velléités réformatrices de Georges Pompidou deux ans plus tard. Puis vinrent les socialistes. Certes, il y eut quelques sceptiques mais beaucoup crurent que cette fois là, les questions seraient examinées à fond tant leur programme et leurs déclarations étaient précis et clairs en la matière. Il était bien ancré dans l'esprit de tous que les socialistes étaient les meilleurs défenseurs de l'« idée régionale » face aux « horribles jacobins de droite » et étaient des hommes de terrain connaissant par coeur les incohérences et les aberrations de l'hyper-centralisation des administrations françaises.

Dès le mois qui suivit leur arrivée en masse à l'Assemblée Nationale, leurs députés « planchaient » sur ce qui allait devenir la Loi Relative aux Droits et Libertés des Communes, Départements et Régions, le 2 mars 1982. Une loi aux objectifs plus que louables : rapprocher les lieux de décision des administrés concernés, supprimer le contrôle a priori et la tutelle omniprésente du pouvoir central, créer un nouvel équilibre local. En bref, commencer à moderniser les structures administratives françaises en s'inspirant de celles qui fonctionnent correctement dans la plupart des pays occidentaux. De la part d'hommes politiques qui, dans un même temps, mettaient en place l'Assemblée Régionale Corse et promettaient des assemblées élues au suffrage universel dans toutes les régions de France, tous les espoirs étaient permis... L'optimisme et la naïveté faisaient bon ménage.

Gérard Landry
À côté du grand nombre de régions qui se satisfont de leurs limites (on va les persuader maintenant du contraire !), cela fait 20 ans que des pseudos régions, des régions-croupions ou des « sans-régions » bougent, râlent, pétitionnent, protestent sous l'œil indifférent des gouvernements successifs. Vingt ans que les Normands veulent leur réunification, que les Bretons réclament Nantes, leur deuxième capitale et que la Savoie, noyée dans « Ronalp » aspire à son autonomie. Seule la Corse a eu gain de cause, sans doute grâce à quelques bombes et à sa forte capacité de mobilisation. Que vont nous « pondre » les parisiens avec cette nouvelle réforme ? Sans doute quelques bonnes choses pour commencer, puisque monsieur Roccard a assuré que le gouvernement ne ferait plus d'opposition à de nouvelles limites réclamées par les élus (le cas le plus flagrant étant la Normandie). Mais on peut craindre aussi les surprises, les conglomérats nés de calculs électoraux. Car le but affiché est de créer de « grandes régions » qui « fassent le poids » vis à vis des autres régions européennes ; il faut donc regrouper les 22 régions pour aboutir à une dizaine (manifeste du P.S.).

La thèse est recevable ? Est-ce que les régions, pour être viables, pour avoir du poids, non seulement vis-à-vis des autres régions d'Europe mais surtout vis-à-vis de Paris (c'est là le gros problème français jamais abordé !). Regardons autour de nous : les 20 petites régions italiennes, les 17 « communautés autonomes » d'Espagne ont, malgré leur taille, des compétences étendues, bien plus que n'en auraient en France un « Grand Sud-Ouest » ou un « Grand Nord-Est » tels que le rêvent certains. La Sarre ou le Schleswig-Holstein, de dimensions réduites n'ont rien à envier à la puissante Bavière ou à la Rhénanie-Westphalie. Alors où est le problème ? Il est bien sûr dans le rôle que l'on veut faire jouer à ces régions. Ce n'est pas la préoccupation de la classe politique, qui se demande (Fabius) si en collant la « haute »-Normandie à la Picardie, cela lui ferait une majorité de « gauche » ou encore (Mauroy) si en collant le Nord à la Picardie, il n'aurait pas, lui, cette majorité.

Le rôle que nous voulons leur voir jouer n'est pas un rôle de figurant muet dans une tragédie moderne du théâtre parisien, mais un rôle actif qui renouerait avec l'Histoire. II faut pour cela deux conditions : une forte personnalité et un pouvoir étendu.

Cette réforme annoncée par les socialistes en 1982, puis délaissée, occultée dans le débat actuel, devrait régler les conflits de compétences entre départements, régions et administrations d'État, conflits coûteux humainement et financièrement. Cette réforme poserait la question du maintien du cadre départemental qui apparaît de plus en plus comme « de trop ».

Être prêt pour 93, rêve et cauchemar de la classe politique, ne se mesurera donc pas au nombre de régions mais à leur capacité de mobilisation (inversement proportionnelle à leur caractère artificiel) et à leur degré d'autonomie. Cette réforme est urgente.

Marc Wattiez
« Le courrier des Pays Bas Français » n°11 et 59

« Les promesses électorales n'engagent que ceux qui les écoutent »

Charles Pasqua, ministre de l'intérieur et au plan 1986-1988, 1991-...

politically correct

Déjà dénoncée, la colonisation douce progresse à grands pas, de plus en plus vite, de plus en plus fort, dans l'indifférence générale, qui commence par celle des politiques. La « World Company », cette caricature du tranquille impérialisme américain que montrent chaque soir sur Canal+ les « Guignols de l'Info », c'est à peine une caricature, c'est au fond la réalité. Qui fait rire et devrait faire peur. Car bientôt dans le pays des trois cents fromages et des six cents crus tout le monde n'aura plus droit qu'aux Mc Do : bœuf industriel entre deux tranches de carton bouilli, le tout arrosé de Coca-Cola. Avant de se retrouver tous les soirs, mais chacun chez soi, devant le même feuilleton made in USA.

Les français « colonisés jusqu'au trognon, américains dans leur tête », n'ont plus que cette échelle de valeurs et cette raison de vivre là : être « politically correct », conforme au sublime modèle Coca – Mc Do – Dallas.

La France, comme paysage, culture, histoire, manières originales de vivre n'existera bientôt plus, ou subsistera dans quelques pavillons « exotiques » du « Disneyland » (ou, comme on dit déjà dans les notices de la BNP, de « Marne Valley »).

Fonctionnaires, une chance pour la France ?

Dans une France dont la formidable diversité géographique et humaine nourrit les tendances centrifuges qui peuvent s'opposer au désir de vivre ensemble, l'autorité du Prince a toujours eu besoin de relais efficaces et de gardiens vigilants. En 1790, les circonscriptions administratives fusionnent avec la création des départements. De grands corps de fonctionnaires sont créés sous le Consulat : cour des Comptes, Conseil d'État, qui ajoutera durant un siècle à son rôle de juge administratif celui de législateur. Des Bouches du Tibre aux Bouches de l'Elbe cent trente préfets constituent autant d'« Empereurs au petit pied ». Jamais l'administration, de laquelle Napoléon exige promptitude et obéissance, n'a connu autant d'autorité, de prestige et d'honneurs.
Conseiller d'État sous l'Empire.

Le Second Empire confie aux préfets les affaires locales : ils dirigeront le suffrage universel et superviseront les grands travaux. Chaque département reçoit un Trésorier-payeur général, et une synergie s'instaure entre préfets, ingénieurs de ministères techniques et Conseillers d’État : la haute fonction est le carrefour de l'oligarchie.

En 1946, on crée un ministère spécifique de la fonction publique, une Direction générale rattachée au premier ministre, et un secrétariat général. La formation est unifiée avec la création de l'E.N.A., qui doit former un corps d'administrateurs de haut niveau. En 1970, le secteur public compte plus de six millions de salariés.

Recrutement par concours, traitement versé par le Trésor Public, position hiérarchique, sécurité de l'emploi, pension de retraite, ces serviteurs du « bien public » sont au centre de notre quotidien politique et constituent un « quatrième ordre », réputé loyal et incorruptible, mais qui, non soumis à l'élection, se trouve hors du jeu démocratique.

L'avenir de la fonction publique française sera-t-il celui du rayonnement d'un « modèle français » dont personne ne veut plus ?


Paysages en sursis

Jamais dans l'histoire le paysage ne fut aussi menacé que de nos jours dans sa qualité, sa véracité, son harmonie. Jamais non plus il n'avait été l'objet d'un si grand nombre de soins officiels, de mesures de protection, de tentatives de sauvegarde. « Plans paysages », « plan d'occupation des sols », « schémas directeurs », autant de tentatives pour protéger les sites encore vierges ou pour modeler la pression menaçante exercée par l'extension des villes, des industries, des implantations touristiques sur le milieu nature !

Salutaire réaction face à la dégradation de notre cadre de vie ? Ou tentative un peu vaine de palier les effets pervers d'une modernité que nul n'est prêt à remettre en question ? L'histoire de notre paysage est évidemment liée à l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, eux-mêmes résultant d'une volonté politique ou religieuse. Les premières traces de l'homme dans le paysage occidental sont d'ordre vénérable, religieux. Les mégalithes du Finistère, dont l'ordonnance date de 4600 ans avant notre ère, sont des monuments funéraires. Avec la civilisation gallo-romaine, le paysage français est né : un paysage communautaire fait de villes, de villages, de régions agricoles dont les structures évolueront de façon cohérente et ne seront plus remises en question avant le déclin de l'autarcie régionale dû à l'avènement des moyens de communication ultra rapides de l'ère moderne. Jusqu'à cette date, en effet, l'homme « conquiert » la nature, mais cette conquête est civilisatrice et non pas destructrice; domestication de la forêt, extension des cultures, développement des villes, des villages et des monastères, ceux-ci étant probablement le moteur essentiel de l'aménagement de notre territoire après la conquête romaine. Au XVIIème siècle, la ville défensive cède définitivement la place à la ville d'agrément : l'esprit, classique l'organise selon les principes (d'ailleurs redécouverts de l'Antiquité) de la rue rectiligne et de la perspective. Avec le XVIIIème siècle, l'intérêt se porte sur la nature elle-même, mais une nature que l'on voudrait idéale. La mode est alors aux jardins chinois, à l'esthétisme de Rousseau. L'apparition de cette nature abstraite devenue élément de jouissance coïncide avec celle du tourisme et avec la diffusion des guides à l'intention des voyageurs. Le paysage devient ainsi décor, prestation pourrait-on dire : dérive annonciatrice du concept pragmatique et contemporain d'environnement écologique.

La révolution industrielle du XIXème siècle va exacerber ce nouveau mode d'attachement à la nature : si l'industrie procure à l'homme de plus grands biens matériels, un déplacement plus rapide, elle lui impose aussi de grandes architectures d'usines et des voies ferrées qui découpent le paysage, La circulation des matériaux de construction débouche dans le même temps sur l'uniformisation de l'architecture, répandue par l'image accessible à tous de la maison du garde-barrière, ancêtre du pavillon individuel.
Le paysage change ainsi d’échelle : il est désormais régi par une échelle nationale, voire internationale... et non plus par l'échelle régionale jusqu'alors en place.

 

Pressentiment des menaces que fait peser sur le paysage l'avènement de la modernité ? L'idée d'organiser la protection du paysage naît elle aussi du XIXème siècle. Comme si, en se dotant de nouveaux moyens de productivité, de vitesse, l'homme avait immédiatement senti l'impact de ces « progrès » sur son environnement, et la fragilité de son patrimoine devant le déferlement de ces nouveaux biens. Le bilan politique est en réalité contrasté: si le dispositif mis en place a bien permis de protéger un grand nombre de sites, il n'a pas pour autant donné naissance à d'harmonieuses agglomérations. C'est qu'il n'a pas cherché à apprendre à ceux qui entendaient aménager la France à prolonger le paysage comme l'avaient fait les bâtisseurs des siècles précédents de notre histoire. Or, la protection administrative peut-elle relayer la vie d'un paysage ?

Peu de lieux subsistent en France où la main de l'homme n'ait laissé son empreinte organisatrice […].

C'est ainsi que pendant des siècles le paysage français a été protégé par des gens qui n'en avaient nulle conscience, Parce qu'il était tout simplement aménagé dans le respect de sa vocation naturelle. Alors que Sa politique de protection des sites consiste au contraire aujourd'hui à soustraire un certain nombre de paysages à leur siècle, à les placer sous cloche comme autant de pièces de musée. La question est de savoir où s’arrêter : on ne peut classer toute la France !

La limite du système tient à ce que les classements de sites ont un aspect artificiel : ils ne préservent que l'aspect inclus dans le périmètre défini. Au-delà, tout est possible. Parce que l'aménagement lui-même a cessé d'être, hors de ses limites, conçu comme une mise en valeur du paysage. Et qu'il est, le plus souvent, mené dans un parfait mépris du site. Le dessin des villes, villages, hameaux isolés bonifiait autrefois le paysage. Aussi n'était-il guère besoin de protéger les sites.

Aujourd'hui, c'est la vie qui détruit au contraire le paysage. Et les sites protégés peuvent être considérés comme autant de « réserves indiennes » où seraient conservés les témoignages d'un passé évanoui. « La volonté de protéger un paysage à l'échelle d'un site ou d'une région est inspirée au départ par un réflexe de défense, affirme Jacques Sgard, paysagiste contemporain. Le concept de protection doit aujourd'hui être relayé par celui d'aménagement et de gestion ».

Par-delà la pédanterie du dernier terme, il faut reconnaître dans ces propos, très représentatifs de la tendance en matière d'urbanisme, une évolution favorable. Après une période où la protection des sites a fait fureur, on découvre les limites de celle-ci. Dans la mesure où il n'est pas possible de doter l'ensemble du territoire d'une protection juridique, il est sans doute préférable de favoriser le réapprentissage de l'aménagement, résultat, de la vie économique et politique régionale, plutôt que de juxtaposer une protection excessive ici et un laisser-aller complet ailleurs. Mais pour être efficace, le réapprentissage devra prendre racine plus profondément que dans le simple réflexe esthétique ». […]

d'après Olivier MADELIN
Le Spectacle du Monde
août 1994

Les espaces Normands

L'économie est devenue urbaine et la ville est au cœur de tous les débats sur le développement économique et la vie sociale. La majeure partie de la population vit à la ville, et les projections les plus optimistes supposent que l'on stabilisera cette croissance vers un rapport de quatre-vingt citadins pour vingt ruraux ; beaucoup parmi ces derniers sont déjà des citadins au plan professionnel et des loisirs. Les esprits évoluent, et beaucoup prennent conscience qu'aucune grande ville Normande ne peut prétendre seule au label européen. Le maillage urbain permet de conférer aux cités Normandes la taille européenne, mais comment faire alors que l'on pèse le quart en population de son puissant voisin pour que cette situation ne conduise à une colonisation insidieuse qui marquerait notre agonie ?

La DATAR, l'État et les autres...

Car s'il est une constante depuis 1450, date de l'annexion de la Normandie par la France, c'est que les français ont une vision négative de la Normandie qui s'est vue interdire toute perspective d'auto développement. Parallèlement à l'opposition Paris/Provinces, il a été instauré que les espaces ruraux et industriels doivent être réciproquement étrangers ; partant de cette analyse, l'aménagement de la « Basse-Seine » en « zone de développement » ne pouvait être confié qu'à des spécialistes, donc à la DATAR ou à des organismes extérieurs, lorsqu'ils ne sont pas rivaux comme l’IAURIF (Institut d'Aménagement et d'Urbanisation de l’Ile de France).

« Deux scénarios peuvent être dès lors envisagés pour notre pays ; le premier est celui d'un modèle de développements séparés, où cohabiteraient sur le sol national des populations et des territoires aux situations, aux modes de vie différents, donc aux solidarités divergentes, […] Chacun s'organiserait au mieux de ses intérêts ; il aérait dès lors illusoire de vouloir préserver un même système d'éducation, de protection sociale, de retraite, voire même d'imposition. Il suffirait d'un État minimum, garantissant la paix civile et le secours aux plus défavorisés, autant et aussi longtemps que faire se pourrait.
« L'autre perspective est celle d'une cohésion nationale renouvelée, autour d'un « pacte républicain » adapté au monde qui vient. C'est la voie choisie par le gouvernement. La politique d'aménagement du territoire se situe au cœur de cette entreprise, puisqu'elle tend à valoriser la propriété collective de la nation, son espace, à améliorer son « offre » dans la compétition internationale, tout en rétablissant l'égalité des chances entre les territoires et en consacrant leur solidarité.
Il faudra un État plus proche des réalités locales dans son organisation. »

Cela étant extrait des deux premières pages de la synthèse du document d'étape du Xlème plan, édité par la DATAR et cosigné par MM. Balladur, Pasqua et Hoeffel, nous savons d'ores et déjà comment notre destin est scellé. Que, pour des raisons qui nous échappent encore, l'on nous ait laissé entendre que les aspects qui heurtent nos susceptibilités de provinciaux seront atténués n'y changera pas une ligne, ce sont, des écrits contre des paroles. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que l'État entend faire payer le prix de ses erreurs à la « province ».

La contre-attaque de l’empire

Parce que des gouvernements successifs n'ont fait aucun effort d'intégration des populations allogènes, les provinces se voient interdire la promotion de leur identité régionale, la défense de leurs intérêts propres, l'enseignement de leur culture et de leur langue régionale, même le statut particulier d'assurance maladie d'Alsace et de Lorraine est remis en cause... avec force rappels pathétiques à une discipline républicaine à sens unique. Parce que les institutions centralisatrices sont en déliquescence, on propose d'appliquer à nouveau la recette du « tout Paris » et de son attractivité internationale. La répartition des ressources publiques sera accrue des taxes professionnelles et gérée par l'Assemblée Nationale, le rôle de l'État renforcé du pouvoir des préfets et sous-préfets.

Cette « vision du monde » enlève à la vie « de province » toute éventualité de jouer un rôle international, même européen. La « basse »-Normandie semble attirée par la Bretagne tandis qu'en « haute »-Normandie certains rêvent de Picardie ou d'Ile de France. Face à l'expansionnisme parisien, il est plus que jamais nécessaire de créer de nouveaux chantiers de coopération normano-Normande.

De nouvelles approches

À la centralisation française au bénéfice de Paris ne répond pas une micro centralisation Normande au profit de Rouen, Le Havre ou Caen : là réside la chance d'une exception culturelle Normande qui affirme un genre de vie équilibré à l'origine d'une nouvelle organisation de l'espace de type multipolaire.

Les villes qui constituent l'espace-capitale régionale sont le pôle fort qui évite trop de dépendance extérieure, le phare qui structure l'identité régionale. Il faut un poids important pour répondre à la définition de métropole européenne et arriver enfin à une relative autonomie.

Déjà, les deux Conseils économiques et sociaux de Normandie travaillent ensemble, sur trois grands dossiers : les formations supérieures et la recherche, les infrastructures de communication, la promotion et l'image de la Normandie. Mais seule cette dernière opération est une des rares structures opérationnelles inter Normande. Normandie Métropole, qui regroupe les trois capitales Normandes, pose sur des évidences un constat riche de promesses : la Normandie est la seule région maritime du Grand Bassin parisien (G.B.P.), les grandes villes sont essentiellement associées à des ports, le patrimoine historique de la Normandie est donc géopolitique ; ces lapalissades sont la preuve d'une prise de conscience de notre capital de situation, qui pour l'instant est exploité et non géré. Le contexte de la création de Normandie Métropole répond à une agression caractérisée : un État et son bras séculier en matière d'aménagement du territoire, la DATAR, fixent des normes : incompatibles avec les réalités des villes Normandes, les abaissent ou les oublient. C’est donc en réaction à la tutelle de la DATAR que Normandie Métropole est devenue un .facteur incontournable de l'aménagement du territoire. Encore qu'il ait fallu attendre vingt-cinq ans que les politiques montrent leur attachement à la chose commune Normande. Bien que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il ne peut exister de réseau de ville idéal, il n'en demeure pas moins vrai que certains principes doivent être respectés ; la reconnaissance des intérêts légitimes de chaque partie, l'absence de hiérarchie urbaine, impliquent une vision plus que des définitions. Ainsi d'un contrat technocratique, qui ne serait que la pâle copie des approche delà DATAR, le réseau de ville se doit d'être un espace privilégié où toutes sortes de contrats peuvent être définis sans que tous soient directement partie prenante. C'est, deux siècles après la Bastille, un peu de démocratie qui nous revient.

Une communauté de destin vécue, voulue, entretenue

Les grands projets de coopération l'emportant sur les décisions de la DATAR, l'esprit hanséatique Normand pourra promouvoir ses ambitions commerciales, mais aussi culturelles. La création d'un Directoire des ports Normands afin que ces outils soient enfin reconnus autrement que comme des éléments de folklore, mais aussi comme des outils de notre développement. Une seule université de Normandie décentralisée sur l'ensemble du territoire Normand pour y développer nos particularités, et bien d'autres thèmes à venir fonderont, à l'exemple du Comité régional du tourisme, la volonté Normande d'être une communauté d'intérêts et d'ambitions.

Inévitablement l'exemple Normandie Métropole sera suivi, déjà Cherbourg, Dieppe, Lisieux, Bernay, piaffent aux portes des salles de réunion, « Val de Seine Développement » (du Vaudreuil à Vernon) pose les termes de la contre offensive à l'expansion du Glouton Boulimique Parisien (G.B.P.); un nouveau réseau de ville européen s'ébauche avec le South Coast Métropole (Southampton, Poole, Bournemouth et Plymouth)... Les champs sont donc ouverts pour une nouvelle définition géopolitique de la Manche.

Car nous ne voulons pas que la DATAR, l’IAURIF ou autres manifestations d'un empire technocratique à connotation colonialiste, viennent décider pour nous de ce qui ne concerne que nous. L’État, selon le traité de Maastricht, doit remplir un rôle de subsidiarité et d'arbitrage, rien de plus. Alors que l'on ne nous parle plus de ces schémas d'aménagement où des « directives territoriales viendront préciser dans chaque région les conséquences de ce schéma », ni que l'on nous « précise les principaux enjeux de notre développement ». Nous ne voulons pas, à l'instant où l'Europe veut dialoguer avec les régions, d'un quelconque « renforcement du rôle du parlement dans le domaine de l'aménagement du territoire ».

Surtout, quand on sait qu'un technocrate ça passe et ça assume autant que la bonne conscience d'un locataire moyen du palais Bourbon.

Jean-François Bollens

Rendre le pouvoir au peuple ?

Comment fonctionne, aujourd'hui, en France, la démocratie ? La volonté du peuple peut-elle vraiment s’exprimer ? Le peuple exerce-t-il effectivement le pouvoir ? En réalité, de plus en plus, la volonté du peuple se trouve morcelée, son pouvoir confisqué, et son intérêt masqué. Les corps des classes intermédiaires évoluent comme l'aristocratie sous l'Ancien Régime : elles passent des services aux privilèges, et des privilèges aux prétentions. Elles se coupent ainsi progressivement du peuple. Conservatrices de leur propre pouvoir, elles freinent le progrès, notamment social, de la nation.

« Par définition, dit Yvan Blot, l'ensemble des consommateurs n'a pas de compétence particulière. Et pourtant il assure, par ses choix, une régulation de l'économie très supérieure à celle des planificateurs de l'État. En effet, le mécanisme expérimental des essais et erreurs façonné par l'évolution historique et appliqué à des millions d'êtres humains permet d'accumuler une connaissance des réalités bien supérieure à celle que peut obtenir un bureau centralisé à l'aide de statistiques ».

L'Occident n'a atteint son degré de civilisation que parce qu'il a toujours su admettre la remise en cause des données scientifiques acquises et la remise en cause des pouvoirs acquis.

Territoire et destin en friche

À force d'avoir le nez dans les étoiles (y compris les douze européennes), les peuples ont oublié qu'ils avaient les pieds sur terre, à défaut d'aménager intelligemment leur territoire pour conforter leur démarche...

L'économie incontournable

L'aménagement du territoire ; ardente obligation ou bonne gestion, légitime aspiration ou véhémente revendication selon les uns ou les autres mais évidence pour tous... à notre époque. Cela n'a pas toujours été aussi évident. Notre pensée qui se veut visionnaire n'est que l'aboutissement très temporel d'un processus multi séculaire que l'on projette dans un court ou moyen terme hypothétique. Pourtant les concepts et effets de l'aménagement du territoire ont en commun d'être aussi longs à mettre en place qu'à s'effacer. Grossièrement, la France (selon le même principe que tous les autres pays « développés ») avec ses cinquante-cinq millions d'habitants produit les cinq cent mille ingénieurs et techniciens réellement utiles ; le reste a un rôle de vivier et de consommation, le nombre sert les économies d'échelle. Les pays en voie de développement fournissent les mains d'œuvres nécessaires aux grandes séries de production ou traitement à faible coût. Le quart monde constate et regrette à l'exception de la coopération qui, comme l'a dit un ministre de Mrs Thatcher, consiste à verser des fonds aux riches des pays pauvres grâce à une ponction fiscale opérée sur les pauvres des pays riches.

La répartition internationale du travail autorise les profits n'importe où sans l'obligation d'aménagement durable des sites et la prise en compte des difficultés sociales des habitants locaux.

En marge de ce survol historique, notons que, de l'espace tribal à la circonscription électorale en passant par la féodalité, le territoire a toujours été fondateur et référentiel du pouvoir, des lois, des coutumes, de la communauté d'intérêt et des conditions de vie.

Vive l'État-Nation

Le libéralisme reconnaît à l'État deux droits justifiant son existence : fournir les infrastructures du développement économique, panser les plaies des laissés pour compte du dit développement ; l'adage récent « État moderne, État modeste » fait tristement suite aux célèbres « Laissez faire, laissez passer » et « Enrichissez-vous ».
Allégorie célébrant la nouvelle division du royaume en départements égaux en 1790.
Avec ce découpage les circonscriptions administratives sont féodalisées au profit des notables localistes qui « gouvernent » sous la tutelle des préfets.

Plutôt que de s'enfermer dans des querelles de définition et attribution des rôles (comme celles suscitées par la notion de subsidiarité dans le Traité de Maastricht ou la préparation avortée du Xleme Plan ou par l'enquête de Pasqua sur l'aménagement du territoire) considérons les trois fonctions régaliennes qui justifient l'existence de l'État et son intervention pour aménager le territoire :
- assurer la subsistance du peuple (économie et fiance)
- assurer la paix intérieure (justice, solidarité et condition de vie)
- assurer la paix extérieure (diplomatie et défense)

Pour plus d'efficacité, cela suppose l'homogénéité ethnique et culturelle sur un territoire, selon une histoire pour un destin.

La seconde légitimation d'un État repose sur sa réussite dans ces trois fonctions plus que par le degré de démocratie qui l'a porté au pouvoir. Une dictature, illégale au départ, peut se légitimer, donc accéder au stade supérieur de la perfection politique, en aménageant correctement le territoire et en assurant ses fonctions régaliennes dont le point « de vie décente » devient crucial pour le jugement de l'Histoire. La dictature peut-être utile pour la préparation nécessaire d'une forme de démocratie conforme à un peuple pour gérer son espace vital. La première légitimation d'un État est d'être l'aboutissement logique d'une synthèse comprenant les éléments de l'histoire, de la géographie, de la culture d'un peuple qui adhère naturellement au système. L'intervention de l'État dans le domaine des relations extérieures pour l'économique et le social, au sein de l'Union Européenne ou de l'Organisation Mondiale du Travail, n'est pas l'objet de cet article mais elle doit rester présente à l'esprit. En effet, il faut tenir compte d'une part des besoins en matières premières et des besoins de débouchés pour nos entreprises, d'autre part d'un système de concurrence et imbrications internationales qui sont des réalités contraignantes pour longtemps encore. Ce n'est pas d'hier que les bourgeois, commerçants et affairistes, ont porté les beffrois plus haut que les clochers en même temps qu'ils faisaient du système urbain le pôle économique prépondérant au détriment du système rural. L'aménagement du territoire est peut-être l'amorce de la revanche posthume des féodaux qui prenaient en compte la terre nourricière et source de puissance avec les serfs qui y étaient, affectés. Ces derniers trouvant là une sécurité d'emploi et de protection face aux agressions des « voisins » que l'on rencontre de moins en moins dans nos banlieues.

Acteurs et conditions.

Les acteurs de l'aménagement du territoire peuvent être regroupés en trois catégories :
- les institutionnels : l'État, les collectivités locales, les entreprises nationales.
- les ambigus : entreprises privées, les multinationales.
- les zombies : l'Union Européenne, les partis politiques.

Bien évidemment, l'aménagement du territoire est plus facile en période de prospérité, mais c'est, justement à ce moment qu'il est le moins nécessaire. À cela s'ajoutent les difficultés dues à un jacobinisme persistant dont s'accommodent les fonctionnaires, les quémandeurs, les dépourvus d'imagination, de repères ou d'envergure.

Autre problème d'ordre intellectuel ; le mépris du monde rural parce qu'il existe un mythe de la ville source de progrès, de profit de confort, de loisirs, de services, de vie, de démocratie, de convivialité et toutes autres bonnes choses que l'on constate de moins en moins, mais qui existent aussi en milieu rural, même si cela est de façon différente. Les révolutions industrielle et informatique ont relégué le secteur primaire dans le domaine des parcs et des musées, maintenant il faut payer ces erreurs.

Critères et finalités

L'aménagement du territoire n'est pas une fin en soi mais a une finalité. C'est un moyen qui a lui-même besoin de moyens. Les critères d'action sont déterminants et révélateurs du pouvoir qui ordonne (au double sens de ‘dirige’ et ‘détermine une disposition’). On peut partir des ressources locales, créer des conditions artificielles, utiliser des faits, les finalités contribuent toutes à l'unité nationale ; ce peut-être un paradoxe du régionalisme, les finalités sont aussi le reflet des peuples, des pouvoirs, de leurs histoires. Quelques exemples :

- U.R.S.S. : organiser l'interdépendance des régions en les spécialisant (imbrication pour dominer).
- Allemagne : quadrillage du territoire à des fins stratégiques mais permettant à chaque allemand d'accéder de façon égalitaire à tout le territoire (longue tradition de länder, indépendants puis fédérés) à l'opposé du réseau en étoile autour de Paris (conception différente de l'État mais même résultat de « bornage » dans l'esprit du peuple).
- Italie fasciste : assèchement des marais pour l’agriculture ; œuvre paternaliste de nourriture (deux des quatre pulsions fondamentales de l'homme) mais aussi fierté de vaincre et féconder la nature.
- Conquête de l'Ouest américain : exemple type d'une puissance assise sur un territoire ou l'égalité de droit et de propriété crée un intérêt commun et une solidarité.
- Les colonies de peuplement israéliennes : dans les zones occupées ; ré appropriation du soi dans le cadre du mythe biblique.
- La planification française : esprit cartésien qui quantifié tout le projet avec une rigueur mathématique peu compatible avec la vie. La planification ne s'y fait pas en termes qualitatifs, coordonnés, d'objectifs sans délai. On rêve de disposer d'une mine et d'un port en Savoie comme en Vendée ou en Lorraine. Les jacobins croient que « Unité » est synonyme « d'Uniformité ». Les phénomènes d'interaction et de dépendance des secteurs ne sont pas pris en compte.

L'aménagement du territoire est donc tout sauf une clause de style dans la vie politique. Pour pasticher, je crois même que c'est une affaire trop sérieuse pour les hommes politiques, il vaudrait mieux le laisser aux hommes qui ont le sens de l’État ainsi qu'une conception claire de leur appartenance nationale et de leur fonction.

Une constitution fédérale serait une bonne solution pour l'aménagement du territoire, donc pour la France.
Éric Valin

Aménagement du territoire ?

Traiter de l'aménagement du territoire dans Runes…
Voilà qui n'est pas nouveau !
Mais était-il réellement nécessaire de constituer un cahier sur le sujet après toutes les imprécations que nous avons formulées ? Il nous faut bien admettre qu'entre les hauts-de-cœur que nous éprouvons à la lecture de la presse et les convictions, même les plus tempérées, de nos contemporains, il y a souvent un gouffre qui mérite que l'on reconsidère la question : – les régions, depuis le temps qu'on nous en parle, sont-elles enfin arrivées à l'âge adulte, ou bien, à l'instar de la chaîne de télévision « France (régions ?) 3 », la tutelle de l'État ou de tout autre organe supérieur est-elle une nécessité pour les citoyens reconnus définitivement irresponsables. En qualité « d'irresponsables notoires » il nous a semblé que cette introspection se justifiait suffisamment pour que, après étude, notre cercle de formation produise quelques éléments qui ont enrichi notre réflexion et nos a priori.
Avons-nous traité « objectivement » le sujet ?
Méritait-il vraiment que nous restions objectifs ? Runes est un support d'information autant que d'information, mais ce sont surtout les « Lettres d'O.D.I.N. », donc nous sommes restés de mauvaise foi, et cette mauvaise foi ne nous donne pas mauvaise conscience : – tout montre que nous sommes tenus délibérément à l'écart des décisions qui nous intéressent, par tous les niveaux de « compétences ».
François Delaunay

Nous sommes tous des pêcheurs Normands

Depuis longtemps nous avons exprimé notre sympathie pour la cause de la pêche Normande. En 1980, nous participions à la grande manifestation des pêcheurs Normands à Paris où les drapeaux aux léopards ou à croix de saint Olaf flottèrent sur le pont de Bir-Hakeim. Nous garderons de ce jour là l'impérissable souvenir de la colère Normande s'exprimant face à l'indifférence de l'État central... Concernant la question des îles de la Manche, quelles soient sous souveraineté britannique ou sous domination française, elles sont toutes Normandes, elles font partie intégrante de la Grande Normandie !

La situation n'est pas sans rappeler la fameuse distinction maurrassienne entre le Pays Légal et le Pays Réel... Et c'est quand le Pays Légal ne prend pas en compte les problèmes du Pays Réel qu'alors se déchaînent les violences légitimes. Car le Pays Légal ne connaît et n'excuse que les violences abusives, sinon comment oublier les étranges impunités dont bénéficient les « casseurs » des banlieues ? Alors que, lorsque le Pays Réel a le sentiment que la coupe des avanies déborde, les violences légitimes auxquelles peuvent se livrer certaines populations désespérées sont sévèrement réprimées, tandis que les revendications les plus justifiées sont plus ou moins ridiculisées par la clique médiatique parisienne et les moralistes en chambre de la classe intellectuelle...

Être du côté de ceux qui, bien que travaillant dur, sont spoliés du fruit de leur labeur, est un devoir sacré, et quand on méprise certaines professions nous savons bien qu'on insulte tout ce qui fait la grandeur quotidienne du peuple Normand. Pour faire plaisir à des notables en quête de casquettes gratifiantes, on a arbitrairement divisé la Normandie en deux régions. La Normandie ne s'en remet pas. Ni la « haute », ni la « basse »-Normandie ne savent tirer leur épingle du jeu dans la grande partie de Monopoly que constitue l'Aménagement du Territoire et nos petits roitelets – présidents de régions-croupions – n'ont pas l'entregent suffisant pour exiger de l'État central une nouvelle prise en compte des problèmes de certaines de nos catégories sociales et professionnelles.

Veut-on un exemple ?
Comment a-t'on pu tolérer que l'État français ferme son consulat en l'île de Jersey alors que Madame le Consul, aux dires mêmes des représentants de la profession, avait toujours su défendre au mieux les intérêts de nos pêcheurs ?

Qu'a fait le président de la région de « basse »-Normandie devant cette dérobade étatique ? Et son collègue de « haute »-Normandie, qui n'a même pas du se sentir concerné ? Rien, bien évidemment ! Eussent-ils, d'ailleurs, protesté, qu'ils l'auraient fait de façon discordante et donc, inopérante. Voilà le résultat de la division Normande !

Rapportez cela au problème des routes, à celui du chemin de fer, aux investissements structurants et vous comprendrez alors pourquoi, aujourd'hui, en ce mois d'avril 1994, la Normandie se trouve dans une situation dramatique au plan économique et social, avec 200 000 demandeurs d'emploi officiellement recensés, le triste record de France de l'endettement des ménages et un retard scandaleux en matière de communications.

Dans l'affaire des archipels des Minquiers et des Ecrehous, il est navrant que ces îlots soient interdits à nos marins-pêcheurs et que six à sept cents familles pâtissent de cette forme d'exclusion de la part de nos compatriotes Normands des îles de la Manche qui ne font pas partie de l'Europe communautaire. C'est bien la raison pour laquelle ils peuvent s'opposer à l'accès des eaux de l'archipel Normand, puisqu'elles ne sont pas communautaires...

Il est étonnant que le gouvernement français ait accepté l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché Commun sans exiger que les îles de la Manche fussent concernées... Là est la vraie question.

Et cette question date de 1204. C'est a dire de l'annexion par un royaume continental d'esprit d'une Normandie maritime par essence... Paris a « oublié » les îles en 1204, parce que les français ignoraient la réalité maritime. La France a perdu devant le Tribunal International de La Haye en ce qui concerne les Minquiers et les Ecrehous parce que ses juristes, notoirement insuffisants en matière de droit maritime, ont été surclassés par les spécialistes en Droit Normand que les britanniques ont eu l'intelligence de mettre en avant !

Oui le jugement de la Cour de La Haye est inique.
Mais à qui la faute ?
Grugés à La Haye, évincés des Minquiers et des Ecrehous, les Normands du continent sont en plus méprisés par Paris.
Voilà la réalité ! Et tant que nous n'exigerons pas que la Normandie soit réunifiée et puisse, de ce fait, prendre en mains son destin, nous connaîtrons des désastres.

Prenons-nous le chemin d'un réveil de la Normandie ?
Nos régions, puisqu'il faut parler au pluriel, sont-elles à même, de profiter de l'émergence du pouvoir régional, depuis les fameuses Lois Déferre de 1982 ?
La réponse est non !
Et ce pour deux raisons :
– les responsables régionaux, depuis 1982, n'ont pas su, ou n'ont pas voulu coordonner leur action. Les contrats de plan État-Région qui ont été signés l'ont été sans concertation entre l'Abbaye aux Dames et la Caserne Jeanne d'Arc. Cette situation est déplorable. Elle livre la Normandie aux appétits boulimiques du Grand Bassin Parisien qui, dans son contrat de plan inter régional inclus intégralement la Normandie.
– la première mouture du projet de loi sur l'aménagement du territoire est une régression de vingt ans. La région, dont les français pensent que c'est l'échelon où doit s'organiser l'aménagement du territoire, se voit dépouillée de ses prérogatives et, surtout, de ses moyens financiers qui sont transférés aux départements.

Voilà la grande réforme Pasqua !

Croyez-vous qu'avec cela la Normandie va redevenir la communauté vivante, dynamique que nous appelons de nos vœux ?

Croyez-vous que les Normands seront mieux défendus par de petits chefs de chefs-lieux de canton n'ayant d'autre ambition que leur réélection, d'autre action que l'assistanat social intéressé, d'autre vision d'ensemble que celle de l'arrondissement sur lequel régnera un sous-préfet aux ordres ?

La réforme Pasqua, c'est la revanche du corps préfectoral et de la multitude des petits potentats qui laissent l'État totalitaire gérer les vraies affaires. Pouvons-nous nous satisfaire de la manière dont l'État central a su défendre les intérêts Normands en générai, des marins-pêcheurs en particulier ?
Didier Patte