On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



dimanche

Runes, hors-série 2/93

Éditorial


Adresse aux français amis des lois et de la paix

Jusqu'à quand, ô malheureux Français, vous plairez-vous dans le trouble et dans les divisions ? Assez et trop longtemps, des factieux, des scélérats ont mis l'intérêt de leur ambition à la place de l'intérêt général ; pourquoi, ô infortunés, victimes de leur fureur, pourquoi vous égorger, vous anéantir vous-mêmes, pour établir l'édifice de leur tyrannie sur les ruines de la France désolée ? Les factions éclatent de toutes parts ; la Montagne triomphe par le crime et l’oppression ; quelques monstres abreuvés de notre sang conduisent ces détestables complots et nous mènent au précipice par mille chemins divers.
Nous travaillons à notre propre perte avec plus de zèle et d'énergie que l'on n'en mit jamais à conquérir la liberté ! Ô Français, encore un peu de temps, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence !
Déjà les départements indignés marchent sur Paris ; déjà le feu de la Discorde el de la guerre civile embrase la moitié de ce vaste empire ; il est encore un moyen de l'éteindre, mais ce moyen doit être prompt. Déjà, le plus vil des scélérats, Marat, dont le nom seul présente l'image de tous les crimes, en tombant sous le fer vengeur, ébranle la Montagne et fait pâlir Danton et Robespierre ; les autres brigands assis sur ce trône sanglant, environnés de la foudre, que les Dieux vengeurs de l'humanité ne suspendent sans doute que pour rendre leur chute plus éclatante, el pour effrayer tous ceux qui seraient tentés d'établir leur fortune sur les ruines des peuples abusés !
Français ! Vous connaissez vos ennemis. Levez-vous ! Marchez ! Que la montagne anéantie ne laisse plus que des frères et des amis ! J'ignore si le ciel nous réserve un gouvernement républicain, mais il ne peut nous donner un Montagnard pour maître que dans l'excès de ses vengeances...
O France ! ton repos dépend de l'exécution des lois ; je n'y porte pas atteinte en tuant Marat ; condamné par l'univers, il est hors la loi. Quel tribunal me jugera ? Si je suis coupable, Alcide l'était donc lorsqu'il détruisait les monstres ; mais en rencontra-t-il de si odieux ? O amis de l'humanité, vous ne regretterez point une bête féroce engraissée de voire sang. En vous, tristes Aristocrates que la Révolution n'a pas assez ménagés, vous ne le regrettez pas non plus ; vous n'avez rien de commun avec lui.
O ma patrie ! Tes infortunes déchirent mon cœur ; je ne puis t'offrir que ma vie, et je rends grâce au ciel de la liberté que j'ai d'en disposer. Personne ne perdra par ma mort ; je n'imiterai point Paris en me tuant, je veux que mon dernier soupir soit utile à mes concitoyens, que ma tête portée dans Paris, soit un signe de ralliement pour tous les amis des lois ; que la Montagne chancelante voie sa perte écrite avec mon sang ; que je sois leur dernière victime, et que l'univers vengé déclare que j'ai bien mérité de l’humanité ! Au reste, si l'on voyait ma conduite d'un autre œil, je m'en inquiète peu :
Qu'à l'univers surpris, celte grande action
Soit un objet d'horreur ou d'admiration
Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire,
Ne considère point le reproche ou la gloire :
Toujours indépendant el toujours citoyen,
Mon devoir me suffit, tout le reste n'est rien.
Allez, ne songez plus qu'à sortit de l’esclavage !
(Voltaire)
Mes parents et amis ne doivent point être inquiétés ; personne ne savait mes projets. Je joins mon extrait de baptême à cette Adresse, pour montrer ce que peut la plus faible main conduite par un entier dévouement. Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français ! je vous ai montré le chemin, vous connaissez vos ennemis. Levez-vous, marchez, frappez !
Marie Anne CHARLOTTE CORDAY

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