On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



vendredi

L'avenir de la jeunesse

Les débordements des jeunes n'ont cessé de troubler la quiétude des adultes : à Athènes la jeunesse dorée a causé de célèbres scandales ; à Rome, les « nouveaux » s'opposaient bruyamment aux goûts et traditions des vieux ; au Moyen-âge, des troupes d'étudiants ont saccagé des villes universitaires et n'ont pu être maîtrisé que par des corps de police spécialisés. Il faut rattacher ce phénomène à une révolte contre le père pourtant nécessaire pour que la jeunesse prenne possession de sa personnalité.

Cependant, l'actuelle crise de l'autorité paternelle a modifié la structure de ces rébellions. Désormais, c'est toute la société qui est pressentie pour être répressive et protectrice. Deux aspirations contraires semblent animer les jeunes : autonomie et « libération », d'une part, et, d'autre part, protection et enracinement. Les contraintes sociales, qui sont rejetées par une réaction animale de défense, sont reportées sur des groupes restreints, des communautés fermées, imperméables. Massification des cités, sécheresse de la civilisation citadine, l'ennui suinte des murs ...

Les centres d'intérêts se transportent en dehors du milieu professionnel. Moins de sens civique, adhésion à des prêt-à-penser « politiques » sommaires, sinon lapidaires, malgré l'élévation considérable du nombre de diplômés : la jeunesse demeure d'une inébranlable candeur.

De l'adolescence aux rôles de la vie adulte.

La notion même d'adolescence est une invention récente ; autrefois on passait de l'enfance au monde des adultes après une série de rites d'initiation/adaptation plus ou moins rigides. Dans une société stable et homogène les modèles de conduite proposés varient peu. À présent, ce qui est valable pour une génération semble étranger à la suivante ; du fait de la complexité croissante des sociétés industrielles les rites de passage se diversifient et évoluent en fonction des progrès technologiques. Si de tout temps la jeunesse a été le symbole de la force vive et du dynamisme, les mutations continuelles de nos sociétés exigent des individus adultes toujours plus de souplesse d'adaptation. Il devient banal de constater un renversement des « valeurs », les adultes cherchant à rester plus jeunes que les adolescents. Le monde des adultes porte donc un intérêt inquiet aux adolescents qu'il ressent comme une concurrence directe compte-tenu des apprentissages aux nouvelles technologies et, secondairement, indirecte quant au différentiel biologique de dynamisme, qui avantagent les jeunes.


Crise dans la civilisation

Nombre de théories sociologiques sur la jeunesse ne sont pas exemptes d'idéologie. Elles tendent à réduire les phénomènes dans lesquels les jeunes jouent un rôle visible dans une série d'interprétations : déviance, marginalité ... Il s'ensuit des décalages entre les idées sur la jeunesse et l'état véritable des jeunes.

Dans la société de propriété privée des moyens de production, l'enfant appartenait à ceux qui l’avaient procréé. L'éducation familiale découlait du principe de la dépendance des enfants. Noyau humain soumis, berceau de l'État, source et base de la grande société civile bourgeoise, la famille reproduisait l'ordre social.

Au vingtième siècle, l'éducation sort du domaine privé pour passer dans le domaine public. École, mouvements de la jeunesse, télévision, se développent comme relais et tuteurs de jeunes pour palier une artificielle déficience de l'éducation familiale. En opposition avec les formes très structurées des mouvements de jeunesse, organisés par des adultes, apparaissent des regroupements spontanés dans lesquels les jeunes donnent corps à une culture parallèle, porteuse de valeurs spécifiques. La mode de la jeunesse se manifeste sous l'apparence d'une culture qui doit son existence à l'intervention des mass médias manipulés par des groupes d'intérêts commerciaux. La jeunesse devient une valeur marchande.


Les bandes de jeunes

Le problème de l'avenir de la civilisation occidentale est travesti en « problème » de la jeunesse. Le mythe des « blousons noirs » a construit le théâtre où se manifestent les bandes. La contestation, transformée en délinquance juvénile, le hooliganisme, les « jeunes » des banlieues dortoirs, ne sont que des masques que la société créé pour se cacher la vérité. Le Roi est Nu. Mais l'avouer déconsidère immédiatement l'imprécateur.

La crise de la jeunesse c'est la crise du monde des adultes qui n'ont plus d'autre message à transmettre que matériel, l'adhésion aux bienfaits d'une caricature d’American way of life paradoxal.


La crise de la culture

L'objet de l'éducation est d'adapter les jeunes générations à la culture dans laquelle elles sont destinées à vivre. L'éducation accoutume les jeunes à la culture de leur pays, de leurs pères et de leur siècle. Elle leur permet d'assumer leur personnalité et d'affirmer, sur des bases saines, leur liberté.

Or, la culture industrielle est remise en cause par l'évolution trop rapide des technologies. Le système éducatif ne peut plus suivre l'évolution et la diversité technologique du monde du travail ni du milieu familial. La transmission de la culture « générale » se justifie mal dans une société exclusivement matérialiste où les savoirs technologiques et professionnels remportent sur la formation spirituelle et morale. La transmission de cette culture est incapable de séduire les jeunes. L'accélération de l'histoire fait que l'environnement culturel est reçu comme une convention, un décor fatigué ou un mensonge. Mensonge d'autant plus évident que ceux-là mêmes qui transmettent le savoir sont, ou ont été, les grands transgresseurs des valeurs qu'ils ont reçues et demeurent imprégnés de l'indiscutable vérité de leur expérience.

La société devient plus juvénile jusqu'à s'infantiliser dans ses loisirs. Elle perd aussi sa cohésion en rendant impossible le dialogue entre deux classe de jeunes de générations différentes, incapables de communiquer par delà un écart d'âge qu'elle ne veulent plus admettre.

Si la crise de la jeunesse n'est, effectivement, que le masque d'une crise de plus grande importance, c'est sur le domaine culturel qu'il convient de s'arrêter pour conclure. Dans une société de plus en plus matérialiste, où les évolutions technologiques sont de plus en plus fréquentes et rapides, il importe que la transmission des savoirs soit de plus en plus adaptée à l'homme. II est impératif que l'école permette à chaque acteur social de maîtriser le développement de sa propre histoire. À une époque où quatre-vingts pour cent des français n'étaient pas bacheliers, l'éducation permettait à chacun, sinon d'être initiateur, de suivre et non de subir les changements, car elle dispensait un savoir généraliste qu'il était possible de faire évoluer. Ce savoir s'appuyait sur une reconnaissance de la société et les rudiments nécessaires pour s'adapter aux diverses situations sociales et culturelles.

Aujourd'hui, forts des dernières expériences considérées comme des acquis imprescriptibles, et donc faute d'une possibilité de remise en cause d'un système de valeurs récent, l'éducation de la jeunesse prétend produire une réponse définitive pour toute situation rencontrée.

Comment un monde sans découverte, sans aventuriers, peut être susceptible de produire suffisamment d'espoir pour que ses jeunes sachent ne plus désespérer ?

Comment, alors, ne pas se révolter ?
Jean - François Bollens

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