On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



vendredi

La fin de la jeunesse ?

L'on entendra toujours, mais c'est un lieu commun, annoncer la fin de la jeunesse. Mais la jeunesse n'est pas n'importe quel thème. Après tout, la jeunesse n'est pas seulement l'avenir d'un peuple mais, aussi, son ressort. Le ton du présent dossier n'échappe pas à la polémique : l'état de la jeunesse est, ni plus ni moins, l'honneur perdu de l'Europe.

Comme nous l'avons pu lire dans les pages précédentes, la jeunesse n'existe que par rapport à des aînés dont elle est le résultat. Or, que proposent les adultes aux jeunes ? Des réponses matérielles à des questions métaphysiques, la sécurité contre l'aventure, l'apéro et le Club Méd pour apaiser les soifs d'absolu.

On pourrait croire qu'un monde de petits vieux oublie qu'il a été jeune et vigoureux, plein d'appétit et de désirs avant de s'oublier dans un conformisme polymorphe. Ainsi, les donneurs de leçons trouvent de nouvelles façons de décliner l'antique « passe-ton-bac-d'abord » qui les faisait descendre dans la rue pour commettre des exactions qu'aujourd'hui ils réprouvent.

« On peut réussir dans la vie sans avoir le bac.

« Si l'on ne veut plus étudier du tout, d'abord, on a le droit de considérer que la réussite d'une vie, c'est la réussite dans ses relations avec les autres, l'amour et l'eau fraîche, sans grands moyens mais avec beaucoup d'autres satisfactions. On peut vivre de rien ou presque à la campagne, sans four à micro-ondes, sans automobile et être heureux quand même. C'est une philosophie, minoritaire mais respectable, et qui ne gêne personne. Ceci dit, pour vivre heureux de cette façon, il faut tout de même savoir pêcher, chasser, bêcher son jardin, construire ou refaire soi-même une maison, et accepter semaine après semaine des petits boulots dont la plupart ne sont guère agréables. (supplément TV magazine du 26 mars 1994)

L'éducation est un dressage. Aujourd'hui, l'aberrante idéologie de !a participation inconditionnelle de l'enfant, tant à l'école qu'en famille, s'est substituée aux principes de discipline et de respect. L'enfant attend du père ou du maître la connaissance ou les techniques permettant d'y accéder. L'accession à ce savoir était sacralisé par des rites d'initiation qui, impliquant la communauté, en solidarisaient toujours plus les membres. Au mieux, il n'en subsiste aujourd'hui que des parodies. À une époque où le futur adulte a la sensation que tout lui est dû et que rien n'est à apprendre, aucune étape ne mérite d'être franchie. À force de se placer au niveau des enfants – dans le royaume du désir et de l'exigence égoïste – la société devient un univers fragile, sans point d'appui, dont l'immaturité « acquise » au fil des générations est un des vecteurs de sa destruction. La jeunesse n'intéresse finalement la société contemporaine qu'en tant que puissance consommatrice et, à une époque de récession, de flou social, l'image des jeunes casseurs des banlieues, dont la seule idéologie avouable semble se cristalliser autour des blousons d'aviateurs en scooters, est le bien triste reflet d'une société gagnée par la sénilité.

Enfin, pour en finir avec ceux qui nous donnent la comédie des belles âmes, rappelons-nous qu'il n'y a point de pensée sans action. On ne pense que dans la mesure où agissant sa pensée, on l'éprouve, on l'adapte, on lui assure un échelon solide pour monter plus haut.

Que des intellectuels puissent annoncer la valeur marchande de la transmission d'un savoir qui permet tout au long de l'existence de grandir et enrichir la pensée d'une génération, montre le peu de cas qu'ils font de ce qu'ils ont eux-mêmes reçu, de ce qu'ils sont devenus.

« On m'a forcé à croire que les actes, c'étaient du rêve. Mais je sais aussi, tant par l'expérience que par l'étude de ceux qui ont tiré le plus d'eux-mêmes et de Sa nature, qu'on peut mettre une formidable réalité dans les rêves. Je puis bien fondre tout cela dans un seul jet où fuse tout mon sang. »
(Pierre Drieu La Rochelle)

Jean Halot

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