On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



jeudi

Histoire du Hâvre et de l'Estuaire de la Seine

L'histoire du Hâvre – et son avenir – est indissociable d'une connaissance de l'Estuaire de la Seine. Il s'agit, avant tout, d'un mouvement dialectique entre une ville nouvelle et un environnement d'abord rétif, puis conquis, enfin dépendant de l'activité de la cité et de son port.
Ville nouvelle, Le Hâvre l'est assurément. Elle garde de sa création tardive par le roi François Ier et ses ingénieurs, l'Amiral Bonnivet et le gouverneur Du Chillou, puis plus tard, l'Amiral de Coligny, Richelieu et Colbert, le caractère d'une intruse dans le tissu des villes et cités normandes... Mais c'est aussi l'une des rares réussites de ce type. Le Hâvre n'est pas une création ex-nihilo, une ville-champignon à l'américaine : c'est une ville nouvelle dans « un monde plein » et sa réussite en est d'autan plus remarquable !
Remarquable encore est le fait que, longtemps confinée dans le rôle stérilisant d'une place militaire, longtemps tenue en tutelle par les marchands et armateurs rouennais, Le Hâvre soit parvenue, comme l'éclosion d'un bourgeon au printemps, à surmonter ses handicaps, se libérer des pesanteurs et, enfin, se lancer à la conquête de l'océan.
On ne sait s'il faut plus louer la ténacité d'une population qui jamais ne désespéra, ou s'il faut s'extasier sur les « chances » exceptionnelles d'un site promis à un tel destin… C'est la saga des négociants et des notables hâvrais qui, pendant le XIXème siècle, firent de la cité et de son port la Porte Océane. Mais c'était aussi une vile éminemment populaire et c'est justement par son petit peuple que Le Hâvre a acquis une identité au XIXème et aux XXème siècles : elle plaît ou elle déplaît, mais c'est un fait et il y a une indiscutable continuité entre son refus du Second Empire et son monolithisme politique d'aujourd'hui.
Monolithisme dont les contrepoints ont nom René Coty, Pierre Courant et tant d'autres qui ont appris à composer tout en s'opposant.
L'histoire a constamment ponctué l'aventure hâvraise – et, en cela, c'est une ville nouvelle tout à fait originale dans la mesure où elle n'est pas sans passé comme ses homologues d'outre-Atlantique – et des bombardements anglais du Grand Siècle jusqu'à l'écrasement de 1944, cette « ponctuation de l'histoire » ressemble à un véritable pilonnage. Cependant, la ténacité des habitants et la pesanteur d'un destin inscrit dans la situation géopolitique de la cité ont permis au Hâvre de devenir la métropole qu'elle est aujourd'hui.
On en arrive naturellement à s'interroger sur l'avenir du Hâvre : Le Hâvre sera la métropole d'avenir de la Normandie ou la Normandie ne sera pas. Tant pis pour certains rouennais qui éprouvent des nostalgies désuètes, rêvant encore à l'époque où ils pouvaient, par leur seule pression, tenir Le Hâvre dans une juteuse dépendance : ils laissent passer leur propre chance.
En effet, Le Hâvre, c'est l'Estuaire, c'est la Basse-Seine. Non pas la Basse-Seine des années soixante, celle qui était ordonnée autour de Rouen et qui a échoué dans le marasme actuel. II s'agit de la Basse-Seine de l'an 2000, dont Le Hâvre sera le phare et la locomotive.
Belle leçon de prospective, et s'il en est pour douter, qu'on veuille bien accueillir comme un signe déterminant l'attitude de la plus vieille institution qui demeure, l'Église, qui, la première, en élevant Le Hâvre au rang d'évêché, a compris qu'il s'agissait d'une métropole du présent et de l'avenir.
Didier Patte

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